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Quatre concertos de Ligeti par l’Ensemble Intercontemporain et Matthias Pintscher

Dans la Grande salle de la Philharmonie de Paris, l' et son directeur musical abordent quatre concertos de , chacun porté par un instrumentiste de l'ensemble pour la partie soliste.

Jouer un tel programme à la Philharmonie et non à la Cité de la Musique est osé, mais la salle parisienne est pour autant bien remplie et ne perd que quelques spectateurs dans la soirée, lors de ce concert intégralement consacré aux concertos de Ligeti.

En digne successeur de Pierre-Laurent Aimard à l', dont l'enregistrement de l'œuvre avec Pierre Boulez reste une référence, Sébastian Vichard ouvre le programme avec le Concerto pour piano et présente dès les premiers arpèges toute son agilité, pour un jeu plein de nerfs et de nervures. Le pied enfoncé sur la pédale et les mains à droite du clavier achèvent un impressionnant Vivace molto ritmico e preciso. Puis le plus calme Lento e deserto laisse s'exprimer la contrebasse de , superbement expressive lors des quatre concertos. Un autre Vivace, cantabile cette fois, redonne la primeur au pianiste, avant l'Allegro risoluto, dans lequel transparaît la rigueur des percussionnistes et déjà les effets de sons lointains sortis des cuivres, beaucoup plus travaillés dans l'œuvre suivante.

Hamburgisches Konzert est écrit plus de dix ans après le Concerto pour piano. Le compositeur y améliore ses recherches complexes sur l'harmonie, maintenant très à l'aise avec les formes polyphoniques encore développées par ses pièces précédentes. Le petit orchestre comprend cette fois quatre cors naturels, capables de produire chacun le spectre compris entre la deuxième et la seizième harmonique, où ils portent souvent une fondamentale différente, seul ou par groupe. Le programme de salle n'indique que les six premiers mouvements créés en 2001 à Hambourg, mais le dernier, Hymnus, présenté l'année suivante à Utrecht, est bien interprété aussi ce soir, après une pause un peu plus longue de . y tient la très complexe partie soliste avec quelques défauts de justesse lorsqu'il passe sur cor naturel, et plus à l'aise sur son cor moderne.

Après l'entracte, s'attèle au Concerto pour violoncelle composé en 1966 et propose une interprétation intègre, tandis que semble toujours rechercher ce son lointain et une forme d'évanescence, qu'il tend à retrouver également dans ses compositions, sans pour autant créer ce soir véritablement de mystère avec cet ouvrage. Des cuivres au rendu fugitif se démarque la trompette, un peu à la manière des pièces latentes de Charles Ives. En revanche, l'acoustique se prête mal aux sons peu perceptibles, comme dans l'introduction du violoncelle, quasi inaudible même pour les auditeurs des premiers rangs de parterre, quand d'autres moments sont trop lissés pour mettre totalement en valeur les variations d'harmoniques de la partition.

Le dernier concerto, celui pour violon écrit pour Saschko Gawriloff au début des années 1990, clôture la soirée de superbe manière grâce à la prestation impressionnante d'Hae-Sun Kang au violon. L'ouvrage demande un orchestre plus fourni que pour les trois autres pièces, et l'on retrouve le corniste et le violoncelliste soliste des concertos précédents. L'accompagnement de l'ensemble est toujours aussi précis, bien que plus leste que celui du siècle précédent dans les enregistrements de cette œuvre, signe que les formations et les chefs sont maintenant plus libres et plus expérimentés pour jouer ces partitions du XXe siècle. Du vivace Praeludium à l'Appassionato conclusif et sa superbe cadence, due à Hae-Sun Kang elle-même d'après celle du créateur et dédicataire du concerto, la violoniste porte sa partie avec une rare dextérité et un geste fluide, jamais trop démonstratif.

Cette excellente soirée prouve s'il est encore besoin que de tels ouvrages peuvent entrer dans la grande jauge de la Philharmonie, et devrait inspirer les programmateurs et orchestres à proposer ces concertos au milieu de programmes classiques, comme l'ont toujours osé Pierre Boulez puis Simon Rattle à Vienne ou Berlin.

Crédit photographique : © EIC

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