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René Jacobs fait des symphonies de Schubert un opéra instrumental

Par ce premier enregistrement d'un cycle des symphonies de Schubert, qu'il donne régulièrement en concert avec ce même , retrouve son amour de jeunesse pour la musique de Schubert, dont enfant il interprétait les Lieder en tant que soprano garçon de la maîtrise de la cathédrale de Gand.

Lorsque  avait enregistré quelques « grandes » symphonies de Mozart, il lui a été reproché de les traiter comme des opéras instrumentaux, à l'instar de qui considérait les trois dernières symphonies de Mozart comme un oratorio instrumental. Il persévère dans cette voie avec les symphonies de Schubert, s'appuyant sur un article de l'Allgemeine musilaliche Zeitung de Leipzig daté de 1806, vraisemblablement sous la plume de E.T.A. Hoffmann : « La symphonie, en particulier grâce à l'élan que lui ont donné Haydn et Mozart, est devenue l'apogée de la musique instrumentale, une sorte d'opéra pour instruments, comme tout ami de l'art le sait… » Le chef signe une notice savante dans laquelle il analyse les deux ouvrages de façon fouillée, mouvement par mouvement, insistant sur la vivacité des tempos et l'énergie initiale qu'insuffle la musique d'un jeune homme de 16 et 21 ans.

La disposition orchestrale conforme à l'usage en vigueur au début du XIXe siècle, les cordes aiguës à gauche faisant face aux bois à droite, favorise le dialogue entre les pupitres et redonne une jeunesse, voire une certaine verdeur à la symphonie en majeur. Bien que Schubert la composât à l'âge de 16 ans, elle est autre chose qu'une simple démarque de Mozart. Cette vision radicale aux rythmes plus que soutenus, voire précipités dans la Symphonie n° 1, pourra heurter des oreilles habituées à un Schubert plus apaisé, même si l'Andante, à la fois élégiaque et douloureux, à la manière du lied Lachen und weinen (rire et pleurer) respire mieux. Pour , le Menuetto Allegro du troisième mouvement fait référence à l'air Se vuol ballare, signor Contino des Noces de Figaro où Figaro exprime sa colère à l'égard du comte, tandis que le quatrième mouvement Allegro moderato de forme sonate rend hommage à Beethoven.

Si la Symphonie n° 6 en do majeur est aujourd'hui appelée « petite » pour la différencier de la « grande » (D. 944) dans la même tonalité, Schubert la qualifiait de « grande » puisqu'elle comporte trompettes et timbales. Suivant le fil de sa pensée lyrique avec de nombreuses références à Mozart, René Jacobs soutient une dynamique dramatique avec des tempos vifs et dansants qui heurtent moins que pour la Symphonie n° 1. Enfin, il cite Alfred Brendel, grand schubertien devant l'éternel : « Il fut un temps où la musique de Schubert était considérée comme sentimentale et légère ; aujourd'hui, elle doit apparemment être dépressive au plus haut degré ». Il n'en est rien et l'ami Franz est seulement vivant et expressif.

D'aucuns préféreront peut-être la poésie de avec son Orchestre du XVIIIe siècle (Decca), ou la profondeur et la somptuosité de avec le Philharmonique de Berlin (Berliner Philharmoniker Recordings), mais René Jacobs nous propose un Schubert naturellement jeune et plein de vigueur pour ce que l'on espère un début d'intégrale.

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