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La gloire retrouvée de Matthew Dubourg

Voici un disque original par lequel l'Irish Baroque Orchestra rend un juste hommage au violoniste et compositeur Matthew Dubourg en gravant pour la première fois ses œuvres, dont la plupart redécouvertes récemment n'avaient pas même été publiées.

On connaît peu Matthew Dubourg, qui fut pourtant très populaire en son temps. Né à Londres, il passa la plus grande partie de sa carrière en Irlande, où il était au centre de la vie musicale à Dublin. Sa musique était considérée comme pleine de charme, d'humanité, de virtuosité et d'esprit. Violoniste précoce, il travailla par la suite avec Geminiani. Selon le chef Peter Whelan, Dubourg mérite d'être reconnu comme l'un des musiciens les plus influents d'Irlande.

Le musicographe Charles Burney, qui l'avait rencontré en 1744 et admirait beaucoup son jeu, raconte à son propos une savoureuse anecdote selon laquelle, alors qu'il jouait dans un concert dirigé par Haendel, en 1742, il se lança dans une cadence, dont les modulations complexes l'éloignèrent passablement du thème. À son retour au thème original, Haendel s'exclama assez fort pour être entendu de tout le monde : « Welcome home, Mr. Dubourg » (bienvenue à la maison M. Dubourg). La même année, Dubourg dirigeait à Dublin la création du Messie, tandis que Haendel tenait le clavecin avec un effectif modeste, aux antipodes des chœurs et orchestres gigantesques que l'on verra au XIXe siècle. Haendel l'appréciait vivement et l'emmena à Londres pour des représentations de Samson et de L'Allegro ed il Penseroso, ainsi que la première londonienne du Messie.

En guise de portrait de cet habile musicien, le programme mêle astucieusement des arrangements de mélodies traditionnelles irlandaises, de la musique pour les célébrations des anniversaires royaux et des solos virtuoses de violon dans le style italien si prisé à l'époque, où le virtuose irlandais excellait.

Avec son Stainer de 1676, qui a longtemps appartenu à Marie Leonhardt, joue la Sonate op. 5 n° 9 de Corelli avec les ornements de Dubourg conservés dans un manuscrit disparu, heureusement sauvegardé sur microfilm. Elle habille également de fines nuances le Concerto RV 519 de Vivaldi, en regard du seul concerto de Dubourg qui nous soit parvenu.

En tant que compositeur en chef du château de Dublin, Dubourg avait entre autres la charge de composer chaque année une ode pour les anniversaires du roi, de la reine et parfois de leurs enfants. Il n'en reste que quelques fragments notés dans quatre volumes de manuscrit conservés au Royal College of music à Londres. La plus importante, Crowned with a more illustrious light de 1739, enregistrée ici pour la première fois, fait écho à celle de Haendel composée la même année. Les parties chorales y sont dignes du plus grand intérêt, ainsi que les arias confiées à la remarquable soprano . Dans Now the mingling hosts engage, à côté des solos du violoncelle de et du basson de Carles Cristobal, on apprécie vivement les interventions de la basse .

Comme souvent, chez le label Linn Records, la présentation dans un élégant digipack est des plus soignées avec une notice fort intéressante de Samantha Owens, qu'il faut toutefois lire en anglais.

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