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Madame de Staël, l’éloge de l’esprit

Le Festival de Coppet – Madame de Staël fête son neuvième anniversaire avec un théâtre à la gloire de l'esprit du XVIIIe siècle illuminé par le romantisme du siècle suivant magnifiquement appuyé par le piano, à la fois discret et grandiose, de .

Depuis la création du festival, la plaidoirie de Me Marc Bonnant ouvre les feux devant un auditoire compact et conquis d'avance. Avec pour sujet « Voltaire et Dieu », le tribun genevois s'appuie sur ce personnage majeur du XVIIIe siècle pour glorifier la vocation d'avocat de Voltaire, égratignant au passage un Jean-Jacques Rousseau qui s'adonnait à la « culture des renoncules ». Le sujet austère et le terrible questionnement des philosophes sur l'existence de Dieu après le tremblement de terre de Lisbonne en 1755 porte l'orateur vers une certaine mesure. Ces incises ironiques qui faisaient le suc de ses interventions passées se font plus rares. D'aucuns auront pensé Me Bonnant « moins bon » qu'à l'accoutumée. Cependant, comme toujours, on reste bouche bée devant l'érudition du discoureur.

Avec Candide ou l'optimisme, inspiré du conte de Voltaire, , le directeur du festival, imagine un divertissement dans lequel il tente de montrer une partie des aventures de Candide et de Pangloss autour du monde. Trois comédiens s'improvisent les différents personnages de l'intrigue et à force de raccourcis, de gags, de jeux de mots, le texte se prend les pieds dans le tapis, semant une certaine confusion dans l'intention de l'intrigue voltairienne. Quelques intermèdes musicaux permettent cependant à la soprano Sophie Graf accompagnée par la pianiste d'offrir quelques pages du Candide de Léonard Bernstein dont le périlleux « Glitter and Gay«  que la soprano vaudoise assume crânement.

Au deuxième jour du festival, l'esprit du XVIIIe siècle reprend ses quartiers dans la cour du château avec un superbe et coloré monologue composé à partir d'écrits de Germaine de Staël, alias Minette, et de quelques-uns de ses nombreux admirateurs. Pour dire les mots, la comédienne , avec une classe, une diction et une présence incroyables. Habitée de la prestance des grandes actrices du passé, nous convainc d'une Madame de Staël brillante, certaine de sa supériorité intellectuelle, aux limites de la suffisance. Un texte qui donne au public le regret de n'avoir pu vivre au milieu de cet esprit des Lumières. Mais la beauté, la finesse, la subtilité de ce beau langage ne seraient que peu de choses sans l'intelligent accompagnement du piano de . Chopin et Liszt n'étaient que de jeunes enfants quand Germaine de Staël meurt en 1817, alors que Moussorgski et Debussy n'étaient pas encore nés, mais leurs musiques et plus encore, la manière de les porter par la pianiste française s'inscrit parfaitement dans le romantisme naissant de cette époque. Par rapport à sa prestation du jour précédent, Rebecca Chaillot confirme son attirance majeure pour ces répertoires. Misant sur une articulation pianistique claire, parfois même sévère, sur des couleurs affirmées, elle se fait la complice attentive de la comédienne. Son jeu très musical prolonge la phrase théâtrale, la souligne, l'amplifie au besoin. Son excellente technique lui permet d'affronter certaines pages avec un savant dosage de volume sonore pour que la musique, sa musique, reste dans la continuation des intonations de la comédienne. De son côté, s'imprègne et s'inspire des notes de la pianiste pour donner plein épanouissement à son texte. Comme un chant parlé. La complicité des deux femmes n'est pas sans rappeler celle qui unissait le pianiste François-René Duchâble au comédien Alain Carré dans cette même enceinte du Château de Coppet. Comme quoi, si les acteurs changent, l'esprit de Germaine de Staël continue d'habiter son château et ses environs.

Crédit photographique : Rebecca Chaillot © Rebecca Chaillot

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