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Sons et lumières transfigurent le plateau de la Maison de la Musique à Nanterre

Temps réel et différé au programme du concert donné par l'Ensemble TM+ et son chef à La Maison de la Musique de Nanterre où ont essaimé le festival Manifeste et son équipe . Avec Tablado donné en création mondiale, le compositeur franco-brésilien transfigure le plateau via les ressorts de la lumière et du son spatialisé.

Natura morta pour accordéon et électronique qui débute la soirée est la pièce de fin de Cursus 2014 du Catalan Carlos de Castellarnau qui est ce soir à la console. Son écriture virtuose fonctionne sur l'énergie du geste, celui de éblouissante, et l'interaction dynamique entre les deux sources, instrumentale et électronique. Avec la technologie du temps réel, le compositeur explore tous azimuts les possibilités transformatives de l'instrument, sans en renier pour autant l'identité timbrale et la spécificité du geste.

Le temps est différé dans Ça tourne, ça bloque (2007-2008) pour dix instruments et électronique du facétieux qui porte un regard critique sur les us et coutumes des Japonais. S'exercent tout à la fois la verve et la finesse du compositeur, intrigué et amusé par les codes de politesse nippons. C'est ce que nous raconte une voix off, conférant à la pièce sa dimension radiophonique. Les formules chantantes des jeunes femmes accueillant les visiteurs servent de patterns mélodiques aux instruments fonctionnant en boucles, tout comme la voix du narrateur qui patine, victime d'un mécanisme qui s'emballe : « ça tourne, ça bloque » ; tel encore ce rituel bouddhique entendu dans un temple de Kyoto, qui n'échappe pas à l'oreille railleuse du compositeur tchèque. mène l'opération « tambour battant » (la percussion est vivement sollicitée), avec une parfaite synchronie des deux sources sonores.

Tablado (« Scène » en espagnol) de est le premier volet d'un triptyque au sein duquel les différentes composantes scéniques d'un spectacle multimédia (geste, lumière, scénographie) vont être associées à la musique. C'est l'interactivité entre lumière et son qui focalise l'intérêt de cette pièce inaugurale, dont l'élaboration relève de « l'écriture de plateau ». L'équipe collaborative associe Claudio Cavallari et Jérôme Bertin pour les créations vidéo et lumière, Carlos de Catellarnau et (technique ) pour l'écriture de l'espace et le dispositif en temps réel. Les gestes, ceux de et du percussionniste , vont contrôler la lumière, la vidéo, le son et la scénographie sous l'effet des capteurs et des logiciels de suivi de mouvement. L'espace créatif élargi prend d'emblée son envergure en 3D avec les premières projections lumineuses où interfèrent les sons de synthèse et les configurations spatiales. C'est l'accordéon de qui « mène le bal », tandis que le scénario de Tablado file la métaphore de la danse à laquelle prennent part les musiciens et où s'invite l'improvisation.

Tejera renoue avec la fête populaire, laissant les instrumentistes s'avancer à tour de rôle sur le devant de la scène pour exhiber leur virtuosité. Au mitan de l'œuvre, le solo incandescent du hautboïste Sylvain Devaux et celui de la trompette bouchée d'André Feydy nous font voyager dans l'espace via les outils numériques et des acoustiques virtuelles qui bouleversent notre rapport au temps et à la scène. Au chef revient la tâche exigeante de maintenir l'équilibre fragile entre les différentes composantes de ce spectacle immersif. Laurent Cuniot s'y emploie avec talent, dirigeant l'ensemble instrumental sur la scène, sans entraver pour autant la fluidité du mouvement.

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