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Tetraktys invite Hisaishi à la campagne

L' délaisse les classiques le temps d'une journée consacrée à et à .

L'été venu, Tetraktys a la manie de se délocaliser dans la fraîcheur ombragée de quelques villages reculés de la Comté, principalement le Prieuré de Marast, dont l'ensemble a fait son QG, conviant le mélomane au voyage sur les routes aux senteurs de fenaison et dans les arcanes du patrimoine musical de la musique de chambre, toutes époques confondues, de Mozart à Tanguy.

Pour le premier concert de la quatrième journée (sur neuf) de cette 13e édition, Tetraktys a donné carte blanche au Collectif Zone(s) de Combat (ZDC), ensemble regroupant des musiciens tentés par la création. Canicule oblige, les trois miniatures de mise en condition progressive (Knock on wood de , Tap Oratori de ainsi qu'une improvisation à trois), prévues à l'extérieur, sont données dans la fraîcheur providentielle du Prieuré par les percussionnistes Philippe Cornus, Julien Cudey et Martin Bermon. Ce repli intra muros force à quelques contorsions les curieux, intéressés par l'origine des sons émis au-delà des colonnades de la nef. Puis Philippe Cornus, assisté du compositeur invité, , le premier face public, le second depuis l'assistance, créent Murmures, une « musique de l'intime, des petites perceptions, de la nuit, des pierres et de l'eau ». Un dialogue de 45 minutes entre les deux hommes, l'un au moyen d'une armada de percussions qui, de la coquille d'escargot à la bouteille plastique, dépasse celle de son ordinaire au sein de l'Orchestre Victor-Hugo, l'autre aux curseurs d'un dispositif électro-acoustique. Une expérience à vivre qui entraîne le public à s'abandonner peu à peu au flux de cette musique de sous-bois et de rivages. Philippe Cornus fête ensuite le centenaire de l'invention du Theremine en interprétant, sans le toucher (c'est la particularité de ce premier instrument électronique, créé par Léon Theremine, qui ne joue qu'en réaction aux mouvements de son interprète) une nouvelle version de Toucher, que Carinola composa en 2009.

Au ciné-concert du soir, il s'agit de la révélation pour beaucoup du Mécano de la générale mis en musique par en 2004. Le Mécano de la Générale dans la version Hisaishi et La Belle et la Bête dans la version Glass sont, à ce jour, les deux seuls exemples de réappropriation réussie de films pourtant déjà mythiques. Le compositeur japonais a mis tout son art de symphoniste au service du film muet de 1926, dont il fait un chef-d'œuvre addictif au moyen d'une partition inspirée, à laquelle rien n'échappe, de la finesse des gags au constat doux-amer des relations hommes/femmes moquées par Buster Keaton. A l'instar d'Hisaishi, , violoncelliste de Tetraktys, a lui aussi mis toute sa science de l'orchestration au service d'une partition dont il est tombé amoureux et dont il a déjà produit trois versions : une pour huit violoncelles en 2009, pour quatre violoncelles en 2010, pour onze musiciens (quintette à cordes, cor, hautbois, piano, trois timbales, percussions) en 2012. C'est cette dernière qu'il reprend ce soir. On a beau connaître la version symphonique Hisaishi (DVD MK2), la version chambriste de Denoix, aussi spectaculaire que son aînée, d'une transparence absolue, d'une variété d'atmosphères inouïe, donne le sentiment d'une redécouverte : les mélismes alla Sibelius du violoncelle dans la seconde poursuite (le sommet de la partition), les irisations du piano alla Miyazaki, un hautbois et un premier violon de toute beauté, des percussions joueuses, un cor qui met un temps à se chauffer mais auquel la nouvelle orchestration réserve plus d'une occasion de briller, et même une contrebasse personnalisée. A ce jeu virtuose, grand écart permanent entre partition et écran, où la timbale doit être synchrone avec le coup de canon, la concentration du chef Laurent Comte (sélectionné au prochain Concours de chefs d'orchestre de Besançon) fait merveille.

Crédits photographiques : © Philippe Bermon

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