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Le Trio Zimmermann ou la plénitude des Goldberg

Les leçons d'architecture de Bach ne se lassent pas de nous intimider et de nous fasciner. Originalement écrites pour le double clavier de clavecin, ces variations Goldberg reviennent sous la forme du trio à cordes.

Ce n'est pas une première puisque Dmitri Sitkovetsky l'avait fait, en arrangeant spécifiquement ces trois voix pour le violon, l'alto, et le violoncelle. Cet arrangement n'avait pas réussi à métamorphoser l'œuvre vers un monde plus beau encore que les sphères originelles. Il fallait peut-être rechercher l'essentiel, les Zimmermann l'ont fait, revenant à la partition originale de Bach. Il s'agit ici ni d'un arrangement ni d'une transcription et pourtant un voile se lève sur cet édifice contrapuntique.

Le sonne comme un orgue. Trois voix issues d'un même souffle nous rappellent toute la beauté du vivant, l'énergie de la force créatrice, comme la rencontre alchimique entre le ciel et la terre. Les timbres ponctuent la partition d'une lumière sépulcrale. Ce ne sont pas trois voix égales mais un enchevêtrement de lignes tracées de la pointe d'un crayon d'architecte, où l'on sent, dans les moindres détails, la jubilation des interprètes à servir la grandeur d'une inspiration divine.

Dans cette version où les trois instruments regardent dans la même direction, se dégage une plénitude toute séraphique. Chaque variation est l'occasion d'aborder des affects différents, de la profondeur luthérienne au chant populaire, en passant par la danse stylisée. Œuvre monumentale d'une précision d'horlogerie, démontée et reconstituée par trois experts.

Le phrasé du n'est entaché d'aucun décorum superficiel. Leur idéal est ailleurs : atteindre l'unité dans la réunion de trois personnages distincts afin de former l'ossature indivisible. Au fil des enregistrements, le construit des rendez-vous avec le temps, l'humilité et la beauté. Rappelons ici l'instrumentarium. Le violoniste joue un Stradivarius de 1711, le « Lady Inchiquin » ;  un alto Stradivarius de 1672, le « Malher », et un violoncelle Stradivarius de 1711, le « Mara ». A travers ce trio, c'est aussi toute l'histoire d'un luthier qui, comme Bach, a su construire des cathédrales pour la gloire des anges.

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