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L’art baroque de la Belle Danse par Jordi Savall

Avec ce disque festif et jubilatoire, met de côté ses projets éditoriaux humanistes et les rencontres orient-occident, pour revenir aux fastes baroques versaillais.

Il s'intéresse à la danse codifiée au XVIIe siècle à la cour du roi de France et qui trouve son apothéose au début du XVIIIe siècle. Or l'évolution de la danse est indissociable de la formation de l'orchestre baroque où les instruments anciens s'associent aux nouveaux, notamment la famille des violons, pour donner naissance à la bande des « Vingt-quatre violons et grands hautbois du Roy ».

Ainsi que Molière le fait dire au maître à danser de son Bourgeois gentilhomme : « la danse est le premier des arts, puisqu'elle mène à l'harmonie ». Puis dans son Introduction à l'histoire de la danse en 1938, Curt Sachs la définit de façon plus universelle : « La danse est le premier-né des arts. La musique et la poésie s'écoulent dans le temps ; les arts plastiques et l'architecture modèlent l'espace. Mais la danse vit à la fois dans l'espace et le temps. Avant de confier ses émotions à la pierre, au verbe, au son, l'homme se sert de son propre corps pour organiser l'espace et pour rythmer le temps ».

Cette célébration de la Danse, dans l'Univers Baroque s'articule naturellement autour de deux grands compositeurs du XVIIIe siècle ; le Français et l'Allemand .

Appartenant à une dynastie de musiciens attachés à la cour de France sur trois générations, était un disciple de Lully, membre des Vingt-quatre violons du roi, claveciniste dans le petit chœur de l'orchestre de l'Académie royale de musique. Il en devint le batteur de mesure en 1714, avant de se voir attribuer en 1718 la survivance de la charge de compositeur de la Chambre du roi, puis d'intégrer le corps de la chapelle royale comme violoniste. Personnage incontournable par ces hautes fonction, il bénéficia d'une renommée enviable.

La suite Terpsichore éditée en 1720 et dédiée à Madame Law, l'épouse du fameux financier, présente une écriture raffinée, poétique et tendre, préludant à la mode pastorale qui envahira tout le XVIIIe siècle et que l'on peut rapprocher des tableaux de Watteau.

Œuvre extrêmement personnelle, Les Caractères de la danse de 1715 connut un immense succès et fut interprétée à de nombreuses reprises par les meilleures danseuses de la première moitié du siècle, dont Marie Sallé et Marie-Anne Cupis de Camargo. Elles en firent un véritable manifeste de l'art chorégraphique. Son succès tient aussi à l'originalité de la composition où Rebel dresse selon un art affirmé une sorte de catalogue des danses en vogue à l'époque.

La Fantaisie de 1729 fit également une brillante carrière, régulièrement reprise jusqu'en 1742. Quant aux Plaisirs champêtres de 1724, les deux grandes interprètes leur assurèrent une belle carrière scénique jusqu'en 1741. La sensibilité élégiaque se fond dans l'air du temps jusqu'à une sensualité évoquant la peinture de Boucher. L'extase des bergers fourmille d'idées et de motifs caressants portés par les hautbois, tandis que les bassons sont mis en valeur.

Tout à son affaire selon sa souplesse caractéristique avec son orchestre aux sonorités somptueuses, montre une compréhension gourmande de cette musique parée de couleurs délectables, renouant avec ses réussites précédentes de L'Orchestre de Louis XV et du Concert spirituel au temps de Louis XV.

Et il n'est pas en reste avec les deux pièces de Telemann, la célèbre Ouverture suite en sol majeur La Bizarre et l'Ouverture suite de la troisième partie de la Tafelmusik. Telemann fut le compositeur allemand qui s'intéressa le plus à la musique française et son voyage à Paris en 1737, où il resta huit mois, fut triomphal. Carl de Nys notait qu'il caractérisait la musique française, comme la sienne propre de « subtile imitatrice de la nature ».

Avec son Concert des nations, nous révèle avec grande intelligence, noblesse et élégance les subtilités chorégraphiques de ces suites. Là où l'on pourrait considérer la musique du prolifique Telemann convenue, se déroulant au kilomètre comme dans certaines interprétations, il fait chanter avec délectation les nuances, les accents et les phrasés. Un bonheur total, d'autant plus que la qualité de la prise de son et le soin éditorial sont remarquables.

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