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Le Quartetto Italiano, naissance d’un ensemble d’exception

Le est l'une des formations de chambre les plus importantes et appréciées de la seconde moitié du XXe siècle. Le label allemand Audite restitue en CD l'intégralité de ses enregistrements RIAS Berlin, directement à partir des bandes master radio originales réalisées entre février 1951 et octobre 1963, dans des conditions de restauration sonore idéales.

Quel mélomane ne connaît les gravures légendaires du Quartetto Italiano pour le groupe Universal (Decca, Philips et Deutsche Grammophon) entre novembre 1948 et octobre 1979 ? Et il n'est pas de trop de rappeler que cette formation, hormis deux microsillons chez Concert Hall (Guilde Internationale du Disque), a également réalisé des enregistrements pour la succursale italienne de la Columbia anglaise, dont la réédition complète dans de bonnes conditions techniques par Warner Classics est impérativement souhaitée.

Chronologiquement, les enregistrements RIAS Berlin du se situent entre ceux de novembre 1948 pour Decca (où il porte encore parfois le nom de « New Italian Quartet » pour le distinguer temporairement d'un groupe italien précédent), et ceux très connus accomplis pour Philips à partir de août 1965. Cet album Audite, outre l'intérêt de nous révéler les membres du dans leur prime jeunesse, nous gratifie d'œuvres de (1797-1848), (1760-1842), (1882-1973) et (1906-1975), qui ne sont pas présentes dans le coffret Decca.

Tout comme pour le Quatuor à cordes en mi mineur de Giuseppe Verdi dans le coffret Decca, le nom de Donizetti, synonyme de bel canto italien, évoque évidemment l'opéra et non la musique de chambre. Mais c'est oublier qu'à côté de ses 71 opéras, dont quelques-uns seulement sont encore parfois à l'affiche, il nous a laissé une centaine d'œuvres instrumentales dont 18 quatuors. La facilité et la rapidité évidentes d'écriture de Donizetti ont souvent compromis les qualités intrinsèques de ses compositions lyriques, mais pas celles de ce Quatuor en fa mineur, inspiré avec bonheur de l'école viennoise : on y trouve l'ombre de Haydn, à mi-chemin du jeune Beethoven de l'op. 18 et du jeune Schubert. On peut en dire de même au sujet de Cherubini, plus connu de nos jours pour l'un ou l'autre opéra et surtout sa musique religieuse que pour sa musique instrumentale. Dans son Quatuor en fa majeur plane également l'ombre de Beethoven et Schubert. Le Quartetto Italiano interprète la musique de ses compatriotes avec ferveur et conviction évidentes et chaleureuses.

Si par ses profondes affinités le Quartetto Italiano est naturellement associé aux compositions classiques et romantiques, il n'en a pas moins défendu des compositeurs modernes (on pense à sa gravure de juin 1970 des œuvres pour quatuor à cordes d'Anton Webern pour Philips). Ici, nous avons Malipiero, Chostakovitch et Ravel. En réaction contre le vérisme et le bel canto, manifeste son goût particulier pour l'art de la Renaissance, et son Quatuor à cordes n° 4 est représentatif du retour de bien des musiciens italiens vers ce passé merveilleusement riche : techniques de composition polyphoniques, associées à une légèreté et une qualité de danse dans le rythme, s'y retrouvent avec, dans certains passages, les souvenirs du Quatuor de Ravel, l'un des premiers modèles de Malipiero. Et précisément ce Quatuor en fa majeur de Ravel, œuvre à juste titre admirée entre toutes, reçoit ici l'une des plus parfaites interprétations, qui nous semble même supérieure à la version « officielle » Philips-Decca, par sa mise en place impeccable, sa chaleur, sa très subtile poésie… et ses pizzicati irréprochables dans l'Assez vif – Très rythmé ! Les passionnés pourront comparer les deux versions de manière édifiante.

Chostakovitch a dédié son très succinct Quatuor à cordes n° 7 en fa dièse mineur (1960) à la mémoire de sa première femme décédée en 1954, révélant dans sa concision un dramatisme contenu, une méditation visiblement émue. L'interprétation du Quartetto Italiano, captée en octobre 1963, à peine après la publication de l'œuvre, est toute de concentration et de raffinement.

Le reste du programme, germano-autrichien, se retrouvera dans les versions plus récentes du coffret Decca, et là également il sera passionnant de comparer l'évolution de l'interprétation des Italiens. Toutefois l'une des différences entre les deux est que les versions RIAS sont privées des reprises des mouvements en forme-sonate, contrairement à celles de Philips-Decca.

Les quatre musiciens du Quartetto Italiano n'ont pas cessé de travailler ensemble durant trente ans. Toutefois dès leurs débuts le résultat était déjà d'une cohésion parfaite et d'un équilibre infaillible, au jeu clair, nerveux et contrasté, aux accents énergiques, quel que soit le répertoire abordé. Ils ne se complaisent jamais dans l'effusion ni dans le pathétique, ce qui cependant n'empêche pas leurs interprétations de demeurer empreintes d'un sobre dramatisme ou d'une poésie prenante lorsque nécessaire. C'est ce dont témoigne cette réalisation Audite avec une évidence irréfutable, dans une restitution sonore irréprochable.

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