- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Iolanta d’une aveuglante beauté à la Philharmonie de Paris

Après un Ring wagnérien de belle facture donné la saison dernière, revient à la Philharmonie de Paris à la tête de ses troupes du Mariinsky pour une Iolanta en version de concert.

Ultime opéra de Tchaïkovski, œuvre mal aimée, composée en 1892, Iolanta dut subir un long oubli, avant de retrouver la scène ces dernières années, dans sa forme originelle, couplée au ballet Casse-Noisette, dans la mise en scène de Tcherniakov à l'Opéra de Paris en 2016. Oubli sans nul doute injuste, dû à la brièveté de la partition (90 minutes) qui la rend difficile à monter dans sa version scénique, mais qui, en revanche, convient parfaitement à la version de concert.

Véritable opéra initiatique Iolanta nous conte le passage de l'ombre à la lumière, l'éveil à la vie et à l'amour, d'une jeune fille rendue inconsciente de sa cécité par la volonté surprotectrice d'un père qui la maintient enfermée loin du monde dans un jardin féerique. Nombreux sont les arguments qui la rapprochent de La Flûte enchantée de Mozart. Deux œuvres où la métaphore du regard soutient une réflexion sur la vérité, où conscience et volonté sont les deux clés de la guérison des corps et des âmes. Nonobstant cette richesse philosophique et psychanalytique, on a souvent reproché à Iolanta sa faiblesse structurelle s'appuyant sur une « série de romances à une ou deux voix » … (arioso de Iolanta, arioso du Roi René, monologue de Ibn-Hakia, air de Robert, romance de Vaudémont, duo d'amour). Jugement bien sévère qui fait fi de la richesse et de l'élégance d'une orchestration au fort potentiel émotionnel, de l'efficacité d'une dramaturgie qui va droit au but, et de l'impérieuse nécessité d'un casting vocal de haute volée.

Point de mise en scène ce soir, mais un au mieux de sa forme qui s'affirme, une fois encore, comme un immense chef lyrique prenant à son compte l'ensemble de la dramaturgie par son aptitude à entretenir une tension permanente, par son expertise à développer différents climats (poésie, attente, urgence, drame) et par son habileté à mettre en avant toutes les couleurs d'un orchestre dont la réputation n'est plus à faire. On soulignera une fois encore les performances solistiques de la petite harmonie (flûte, clarinette, cor anglais) la sonorité ronde et la justesse des cuivres, ainsi que la somptuosité des cordes, avec une mention spéciale pour le violoncelle solo d'Oleg Sendetsky.


Face à tel lustre orchestral, les voix ne sont pas en reste, à commencer par l'éblouissante prestation d' dans le rôle-titre. Puissance d'émission, rondeur du timbre, souplesse de la ligne, étendue de la tessiture, rien ne manque à la soprano russe. Bien entourée par (Martha), Kira Loginova (Brigitta) et (Laura) son arioso inaugural et sa berceuse sont des modèles de poésie et d'élégance, bien soutenus par le chœur du Mariinsky irréprochable. Côté masculin, (Roi René) impressionne par son humanité autant que par la profondeur de sa basse. Digne descendant de Sarastro par son rôle initiatique, (Ibn-Hakia) convainc immédiatement par son charisme et la noblesse de son chant dans le rôle du médecin maure. Joyau de la partition, le grand duo d'amour avec Iolanta fournit à Najhmiddin Mavlyanov (Vaudémont) l'occasion de donner toute sa mesure. Malgré un timbre un brin métallique, la vocalité est juste et facile, à l'instar d'Alexeï Markov (Robert) et d' (Bertrand) qui complètent avec brio cette distribution d'une rare homogénéité.

Crédit photographique : © Lidiya Khomich ; © Valentin Baranovsky

(Visited 1 383 times, 1 visits today)