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Norma à Stuttgart, voix féminines

La production déjà ancienne mais efficace de vaut mieux que la direction agitée de .


Avant d'assurer la direction de l'Opéra de Stuttgart (entre 2011 et 2018), avait été régulièrement invité par ses prédécesseurs à travailler dans la maison. Cette Norma date de 2002 : le décor monumental et glaçant d' est à la fois une sorte d'église que nous voyons depuis le chœur et le domicile infiniment ambigu de Norma et de ses enfants. Dans ce cadre admirablement équivoque, le spectacle décrit une communauté gauloise fatiguée de la lutte, confite dans ses rites mais incapable de mettre en pratique le sursaut qu'elle réclame à sa prêtresse : la tristesse des lieux correspond à la mélancolie du personnage principal, avec ses illusions perdues et cette charge sacrée qui l'écrase. Une forme recouverte d'un voile, à l'avant-scène, est par moments à peine dévoilée : figure de douleur et de mort, elle est aussi l'image de l'impuissance de ces croyants de regarder en face la divinité qu'ils prétendent adorer. Disons-le, le cadre ainsi posé ne suffit pas entièrement à soutenir l'intérêt tout au long de la soirée, mais l'essentiel est là.

Hélas, manque de tout ce qu'il faudrait dans le rôle de Pollione : la voix manque de souplesse autant que de vaillance, les aigus sont au mieux ternes, le travail sur le texte reste sommaire, et ces faiblesses techniques ne sont pas compensées par un engagement dramatique particulier. C'est particulièrement regrettable dans le trio final du premier acte qui donne l'impression qu'il manque une partie, alors que les deux protagonistes féminines sont elles pleinement à la hauteur de leur rôle. , dans le rôle titre, cherche plus à donner au drame de son personnage toute sa force qu'à impressionner par la technique, mais elle n'a à aucun moment à sacrifier la partition au profit du théâtre. Sa voix lumineuse et colorée contraste efficacement avec celle beaucoup plus corsée de , dont l'Adalgisa n'est pas moins tourmentée.


L'une comme l'autre chantent leur rôle à pleine voix, recherchant la plénitude sonore plutôt que les nuances du bel canto, en pleine conformité avec un chef qui semble vouloir privilégier la force dramatique de la musique plutôt que de laisser se déployer les amples phrasés belliniens. Mauvais calcul, Bellini n'est pas Verdi.

La mise en scène fait pétarader une fanfare, présente sur scène en uniforme, quand il s'agit d'appeler les Gaulois à la célébration ou à la guerre, dans une vision éminemment critique de cette société qui n'en finit pas de vouloir résister aux Romains sans y parvenir. À défaut de beaucoup de scrupules stylistiques, se livre volontiers à cette emphase qui impressionne, d'autant que le chœur de l'Opéra de Stuttgart, récemment nommé une fois de plus chœur de l'année par le magazine Opernwelt, fait la démonstration de son excellence.

Crédits photographiques © Martin Sigmund

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