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Le Trio Catch, trois filles étonnantes au Festival d’Automne

Le , encore peu connu de la scène française, est l'invité du festival d'Automne qui poursuit son portrait initié l'année dernière.

Basé à Hambourg, le (clarinette, violoncelle et piano) vient de recevoir le Prix de la Critique de disque allemande pour son dernier CD As if (Clef ResMusica)  où figure Catch Sonata de , une pièce de 2016 qui est à l'affiche du concert. Le piano est préparé, presqu'atone, dans cette « Sonate » où Pesson joue avec l'ambiguité des sources sonores, créant un monde distancé et poétique. Les sons filtrés du violoncelle tendent vers le souffle de la clarinette quand le piano fait son gamelan avec « cloches et petits gongs ». La pulsation est sous-jacente mais discontinue, dans un espace intranquille, soumis à de brusques variations de régime. Tout est minutieusement ciselé et finement articulé par nos trois interprètes dont le jeu sensible et réactif sert au mieux l'univers pessonnien. Deux duos de encadrent Catch Sonata. Ils ont été écrits en 1974 pour le concours international canadien du « Tremplin ». La Pièce pour clarinette et violon est une musique d'humeurs, mettant les instrumentistes debout et face à face. Boglárka Pecze et Suzanne Zapf (violoniste invitée) en soulignent la dimension théâtrale, avec une fluidité et une qualité de jeu qui forcent l'admiration. Le superbe violoncelle d'Eva Boesch est mis en valeur dans la Pièce pour violoncelle et piano, toujours très imprévisible dans les tours et détours de l'écriture, où Vivier fait vagabonder cette fantaisie sonore au gré de son imagination.

La seconde partie du concert invite deux compositeur-trice peu joués sur la scène française. , présent ce soir, est hongrois, compositeur, chef d'orchestre et pianiste, formé notamment auprès de Wolfgang Rihm à l'Université de Karlsruhe où il est devenu maître de conférence. Le piano est préparé dans ses Drei Aquarelle pour clarinette, violon, violoncelle et piano données en création française. La pièce met la clarinette au centre du paysage sonore, dont le compositeur veut sonder toutes les capacités acoustiques. Le geste éruptif au centre de l'œuvre libère une matière incandescente dont l'excès d'énergie relève de l'esthétique de la saturation. Les « cloches » détempérées qui résonnent au piano sur les sonorités liminales des autres instruments tissent in fine une toile sonore de toute beauté.

Présente elle aussi, mène sa carrière en Allemagne (Munich) et en Suisse (Zürich) où elle enseigne la composition dans les deux Hochschule respectives. On découvre ce soir les qualités d'une musique exigeante et remarquablement conduite dans Sounds Archeologies pour cor de basset, violoncelle et piano, une pièce récente (2017-18) dédiée au qui la joue en création française. Dans une mouvance spectrale et un champ d'investigation très large, l'œuvre sonde les composantes de l'écriture, « ces archétypes qui vont jusqu'à la configuration des instruments eux-mêmes et leur jeu […] » nous dit la compositrice dans sa note d'intention. Le cor de basset joue dans les cordes du piano lors d'une première séquence (il y en aura six) libérant les partiels d'une fondamentale exprimée par les trois instruments. Boglárka Pecze vient s'assoir face au violoncelle dans la deuxième section où s'amorce une exploration fascinante des différentes strates sonores au sein d'une écriture puissante et hérissée de trouvailles. La musique se décante à chaque nouvelle étape, acquérant une dimension toujours plus envoûtante, quasi hypnotique. Le cor de basset gagne les coulisses dans la dernière séquence où l'écriture de l'espace et la distorsion du son relèvent d'une pensée électronique qui habite la compositrice. Le Trio Catch captive notre écoute dans cette dernière pièce d'une demi-heure, que ces trois instrumentistes hors norme abordent avec une concentration optimale et une parfaite synergie.

Crédit photographique : © Lennard Rühle

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