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Les Pêcheurs de perles au Centre Lyrique, un imaginaire universel

La saison clermontoise démarre avec une belle production d'Opéra Éclaté, menée par un trio de tête enthousiasmant.


Alors que l'œuvre de jeunesse de Bizet était rare il y a encore peu de temps sur les scènes lyriques de notre territoire, Les Pêcheurs de perles paraît désormais un incontournable des programmations lyriques françaises. Le Centre Lyrique ne fait pas exception, l'institution choisissant pour cela un partenaire habituel de sa scène en la personne d' et de son Opéra Éclaté.

Les approches du metteur en scène sur la scène de l'Opéra de Clermont-Ferrand, ici en binôme avec son acolyte Éric Perez, se suivent de saison en saison mais ne se ressemblent guère. Même si sa vision reste des plus classiques, marquée par une approche graphique en son unique décor et une ambiance onirique avec le voilage voluptueux recouvrant entièrement un plateau uniforme. Ce « voile de l'imaginaire » donne pourtant tous les accessoires nécessaires à une direction d'acteurs menée avec justesse, sans emphase, le voile caractérisant l'innocence d'une Leila amoureuse, ou les illusions déchues des croyances fraternelles des deux hommes qui en sont éperdus. Il fera même oublier la grossière épée en bois et des costumes sans éclat – tenues de ville pour les trois protagonistes et vague kamis immaculés pour les autres personnages secondaires. Cette approche étant défendue par une volonté d'attribuer aux personnages des costumes « que notre imagination leur donnera ».

L'incarnation de ce triangle amoureux est incontestablement la force principale de cette production, créée à l'Opéra de Pforzheim puis jouée naturellement au Festival de Saint-Céré, en étant le fondateur. Ce soir, celui qu'on retiendra particulièrement, est le chanteur polonais , qui offre une diction et une prosodie exemplaires dans le rôle de Zurga. Son baryton bien timbré porté par une projection maîtrisée fait feu de tout bois afin de convaincre musicalement et dramatiquement. Il y parvient sans relâche, autant dans son air « L'orage s'est calmé » ouvrant le troisième acte, que dans son duo avec Nadir.

À ses côtés, complémentaire ou opposée, la voix de ténor de brille par sa clarté et par la délicatesse de sa ligne de chant, comme par l'expressivité de ses intentions, un brin trop fougueux lors de son étreinte avec Leïla, « Ton cœur n'a pas compris le mien ». Dans ses bras, (nom de scène de Burçu Uyar) affirme des coloratures sans défauts, mais l'ampleur de son soprano et un vibrato trop prenant manquent de mystère tout autant que de finesse pour s'imprégner du climat des interventions de son personnage. Seule face à ses rêveries, nourries par les sentiments qu'elle éprouve envers Nadir, détient une solidité vocale qui détonne quelque peu. On peut faire un constat identique pour la basse , mais avec une finalité bien différente puisque le chanteur est idéal sous les traits de Nourabad.

Un imaginaire lointain

Le lointain, l'exotisme tout aussi imaginaire que les convictions préalables des protagonistes évoquées en amont, c'est par les vidéos de Clément Chébli qu'ils se manifestent. La projection « hors cadre » de fonds marins et de fêtes traditionnelles indiennes paraît bien à propos, quand celles d'animaux sauvages semblent redondantes au texte chanté en parallèle. Ce flot d'images contraste avec l'immobilisme du chœur, un élément tout aussi fondamental afin d'agrémenter l'esquisse d'un ailleurs. Le chœur d'Opéra Éclaté est d'une imprécision notable dès son entrée « Sur la grève en feu », alors que tout est déployé pour une prestation aisée de leur intervention, sans chorégraphie ni jeu théâtral particulier, chaque choriste se retrouvant constamment statique face aux spectateurs. Les pupitres des femmes montrent particulièrement un manque de rigueur notamment dans l'articulation d'un texte mené dans un débit rapide, émoussant ainsi la sauvagerie des rythmes de la partition, les pupitres des hommes se révélant quant à eux approximatifs dans leurs attaques comme leurs finals. Le chœur tout entier chante même à côté de la battue lorsqu'il se retrouve hors-scène.

En fosse, l'orchestre propose au contraire une précision remarquable et une atmosphère chambriste parfaitement calibrée avec le plateau. Il reste étonnant que la version mise au point par Brad Cohen n'ait pas été choisie, version la plus originelle grâce à un long travail musicologique. mène avec une clarté et un engagement continu la version lourdement remaniée par Carvalho, ce choix ne faisant toutefois pas oublier la lecture expressive d'un chef d'orchestre sachant amener l'ouvrage par paliers successifs, avec une belle intuition dramatique.

Crédits photographiques : © Nelly Blaya

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