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Un Samson et Dalila musicalement réussi à Düsseldorf

Pour la première fois dans son histoire, l'Opéra de Düsseldorf propose le chef d'œuvre de Saint-Saëns. Si la partie musicale est globalement une réussite, la mise en scène manque de cohérence.


Non, ce Samson et Dalila n'est pas un drame biblique. C'est une vision décidément moderne que nous propose le metteur en scène Joan Anton Rechi. Pour lui, les Hébreux sont des mineurs exploités par un entrepreneur (le Grand Prêtre du livret) sans scrupules. Si ces mineurs implorent Dieu à tout moment, pendant deux actes l'aspect religieux semble totalement absent de cette lecture. Au troisième pourtant, tout change. Après avoir crevé de ses propres mains les yeux de Samson, une scène particulièrement brutale, Monsieur l'entrepreneur s'avère le gourou d'une secte adorant… l'argent. Le fameux Bacchanale (sans ballet !) se transforme en une sorte de messe où, en guise de communion, les fidèles reçoivent une pièce d'or. Samson, ne trouvant pas de colonnes à ébranler, étrangle Dalila avant que, par quelque pouvoir surnaturel, les « Philistins » ne descendent dans la même mine d'où, au début, les Hébreux étaient sortis.

Musicalement, on est bien mieux servi. Dès les premières mesures, nous plonge dans une atmosphère d'oppression et de détresse. Pleine d'énergie, sa lecture manque peut-être d'un peu de raffinement, mais la tension ne baisse pas jusqu'à la fin mortelle. L'orchestre, à la couleur globalement sombre et dense, mérite tous les suffrages tout comme le chœur, d'une force et d'une cohésion sans faille.

Membre de la troupe de Düsseldorf depuis 2014, auréolée de ces récents débuts au MET de New York, est une excellente Dalila. Timbre de bronze, homogène du grave résonnant jusqu'à des aigus flamboyants, séduisante à souhait, elle incarne à merveille la femme fatale imaginée par Saint-Saëns. Sonore et vaillant à son entrée, le Samson de surprend par de superbes demi-teintes aux actes II et III. L'intensité de son interprétation fait facilement oublier un timbre un rien rugueux et un aigu par moments un peu court. Sonore lui aussi, mais à l'émission un peu désordonnée, campe un « Grand Prêtre » cynique et brutal. , fidèle troupier depuis 22 ans, est un digne Vieillard Hébreu. Mention spéciale enfin pour l'Abimélech imposant de la jeune basse australienne Luke Stroker.

Le public, à la fin, ovationne les chanteurs et le chef. Le metteur en scène et son équipe sont, en revanche, accueillis avec froideur.

Crédit photographique : © Jochen Quast

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