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The Opera locos au Théâtre Libre : rire en écoutant de l’opéra

C'est un fait généralement admis : on pleure plus souvent qu'on ne rit à l'opéra. Ce spectacle survitaminé fait mentir l'adage, en faisant se tordre une salle entière, sans la moindre once de vulgarité, et en restant pleinement respectueux de la musique.

Sont ainsi convoqués les plus grands compositeurs, avec leurs meilleurs succès, ceux que le public non averti connaît par cœur sans même avoir mis les pieds dans une maison d'opéra : des extraits de Traviata, Rigoletto, Pagliacci, La Bohème, Carmen, Lakmé, Turandot, et on en passe, tellement tout va vite, trop vite pour que notre pauvre cervelle ait le temps de tout identifier. Et puis, on glisse d'un air à l'autre, mine de rien, voire d'une aria classique à du Céline Dion ou du Mika, et c'est tellement bien réalisé qu'on ne se rend compte de rien !

Les tessitures sont parfois malmenées, mais à bon escient, par exemple la barcarolle des Contes d'Hoffmann devient un duo d'amour pour voix masculines (car oui, sans avoir l'air d'y toucher, des choses importantes sont dites) et puis, on apprend que l'air de la Reine de la nuit convient très bien pour une scène de rupture amoureuse, et que le « Vivi tiranno » du Rodelinda de Haendel est parfait pour chanter sous la douche ! Il fallait un amour et une connaissance profonde de l'opéra pour réussir une telle fusion.

Ce sont de véritables chanteurs lyriques qu'on retrouve sur scène, sans tricherie, sans micro, de vraies belles voix, quatre jeunes artistes et le célèbre (doté d'une fausse bedaine à la Falstaff), des tonnes de talent à eux tous, qui semblent s'amuser autant que la salle. Ils ne prononcent aucun mot, donnent toute la part à leur tempérament explosif, et sauf le chant, s'expriment uniquement par pantomimes ou onomatopées, sans aucun mot articulé. C'est tellement vivant que ça en devient plus qu'éloquent.

Le prétexte invoqué pour réunir cette troupe loufoque est celui de la représentation d'un récital, pendant lequel, dans les coulisses, les émotions se dévoilent : un ténor vieillissant (, puissant et magnifique, comme toujours) se réfugie dans l'alcool pour oublier le naufrage de sa carrière autrefois prestigieuse, alors que la soprano (la toute fraîche ) ne demande qu'à le consoler. Pendant ce temps, le contre-ténor (, hilarant) se consume pour le baryton et rigide professeur de chant (, sensationnel). La mezzo-soprano, l'impressionnante , croqueuse d'homme mais à la recherche du véritable amour, restera-t-elle seule ? Pas si sûr, si elle sait bien se débrouiller… Le tout dans des décors, costumes et maquillages complètement foutraques et invraisemblables.

Le public est lui aussi invité à participer, avec en particulier une leçon de chant d'un genre spécial. On a adoré taper dans les mains, brailler les fins de phrase de Traviata ou Rigoletto ; c‘est une façon intelligente et jouissive de rentrer pleinement dans l'ambiance. On ne conseillera pas cependant aux plus timides de s'installer au premier rang ou au bord des allées.

The Opera locos, une démocratisation de l'opéra ? On ne saurait le dire. Toujours est-il que les amateurs d'art lyrique, nombreux dans la salle, sont ravis de reconnaître et d'entonner les airs qu'ils aiment, les néophytes charmés de comprendre qu'ils ne sont pas si largués et de suivre le mouvement, et les enfants morts de rire !

Crédits photographiques : @ © Dominique Plaideau

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