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Antonio Pappano et Martha Argerich à la Philharmonie de Paris

Décevant lors de sa dernière prestation à la Philharmonie de Paris en 2017, associé à la pianiste Yuga Wang, Sir , à la tête de son Orchestre de l'Académie nationale Sainte-Cécile de Rome, séduit aujourd'hui totalement dans un programme très romantique convoquant Weber, Schumann et Liszt avec l'incomparable en soliste.

Nonobstant une certaine confusion dans les premières mesures, l'Ouverture d'Euryanthe affiche d'emblée une énergie très théâtrale et contrastée relatant les différentes péripéties de ce drame médiéval aux couleurs tour à tour martiales, lyriques et mystérieuses, dans un phrasé très narratif où la belle cantilène du violon solo (Massimo Quarta) sur trémolos d'altos met immédiatement l'accent sur la qualité superlative des cordes de la phalange romaine.

Des applaudissements nourris accueillent ensuite pour une interprétation du Concerto pour piano n° 1 de de haute volée. D'allure rhapsodique, quatre mouvements s'y enchaînent dans une véritable lutte opposant soliste et orchestre. Sous la battue fougueuse et éminemment complice d', le jeu de la pianiste peut paraître un peu raide dans la cadence initiale du premier mouvement Allegro Maestoso, avant que les doigts ne s'assouplissent dans l'Adagio où le jeu bien timbré de fait contraste avec la rondeur et l'ampleur sonore de l'orchestre. Le Scherzo est assurément le grand moment de cette interprétation : Martha Argerich y déploie son exceptionnel toucher dans les arabesques virtuoses et envoûtantes du piano, soutenue par un surprenant dialogue avec le triangle placé sur l'avant-scène, avant que le l'œuvre ne s'achève dans une cavalcade grandiose irrésistible entraînant soliste et tutti dans la même fièvre.

Cédant à de nombreux rappels du public, la pianiste donne en bis une Scène d'enfant d'une indicible poésie, assurant de belle manière la transition avec la deuxième partie de concert entièrement dévolue à la Symphonie n° 2 de .

Chef lyrique (Directeur du ROH de Covent Garden depuis 2002) et symphonique (directeur de l'Académie Sainte-Cécile de Rome depuis 2005), a pu, depuis ces nombreuses années, imprimer sa marque à la phalange romaine. Théâtralité, éloquence, élan et couleurs y sont les maîtres mots. S'en tenant à un premier degré de lecture, le chef ne cherche pas à alléger le discours schumannien, d'où une certaine impression de lourdeur dans cette interprétation lorgnant plus vers Beethoven que vers Mendelssohn, conduite sur un rythme soutenu où l'on notera, toutefois, la rigueur de la mise en place et le haut niveau des performances solistiques individuelles. L'Allegro séduit par la sublime douceur et par la justesse des cuivres, autant que par son magnifique crescendo subtilement nuancé, conduit de main de maître. Le Scherzo est assurément le mouvement le plus mendelssohnien par l'alacrité des cordes, par sa polyphonie fluide, par l'énergie et la tension dégagées dans les dialogues tirés au cordeau d'un quatuor éminemment complice. L'Adagio enchante par sa mélodie tendre et mélancolique, soutenue par l'émouvant legato des cordes et colorée par les chants du hautbois de Francesco Di Rosa et de la clarinette d'Alessandro Carbonare, avant que le Final dans une fougue toute beethovénienne, ne marque le triomphe, hélas transitoire, du compositeur sur les premiers assauts de la maladie qui l'emportera quelques dix ans plus tard.

En « bis » l'Italiana de Respighi et la Danse des heures extraite de la Gioconda de Ponchielli concluent ce beau concert.

Crédit Photographique : Antonio Papano © Maxppp / Riccardo Musacchio et Flavio Iann. Martha Argerich © Adriano Heitman

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