- ResMusica - https://www.resmusica.com -

À Agen, un Don Pasquale jubilatoire

Avec un luxueux quatuor de jeunes solistes, cette nouvelle production de la compagnie des Chants de Garonne, dans une mise en scène « maison » d', est réjouissante et jubilatoire pour cet ouvrage populaire de Donizetti.


Créé à Paris en 1843, Don Pasquale, le soixante-septième des soixante-dix opéras composés par Donizetti, connut immédiatement un vaste succès public, malgré des critiques sévères. Il n'a d'ailleurs guère quitté la scène et il ne se passe pas une année sans qu'il soit monté en Europe ou dans le monde. Considéré comme le chef-d'œuvre comique de Donizetti, Don Pasquale représente le dernier joyau de la tradition de l'opera buffa italien.

Le comique de Donizetti diffère de celui de son prédécesseur Rossini par un humour plus théâtral. Si la trame puise dans la longue tradition de la commedia dell'arte avec ses sujets types : Pantalone, Pierrot, Scapin, Colombine, les personnages de Don Pasquale révèlent une plus grande complexité que ceux de Rossini et un caractère contemporain épousant l'époque de la composition. À l'opposé du barbon ridicule qu'est le docteur Bartolo dans Le Barbier de Séville, Don Pasquale est habité d'une obsession de l'argent que l'on retrouve chez Balzac. Loin de l'orpheline confinée chez son tuteur, comme l'était Rosine, Norina est une femme adulte et indépendante, qui entend mener sa propre vie. Elle joue certes un rôle en bernant Don Pasquale, mais elle éprouve en même temps un sentiment de compassion à son égard, allant jusqu'à une certaine affection.

La musique élégiaque, parfois drôle et virtuose de Donizetti, n'en est pas moins exigeante et si elle est aussi plaisante à interpréter qu'à écouter, elle requiert une grande présence scénique, ainsi que des chanteurs-acteurs de premier plan. Et de présence scénique, comme d'aisance vocale, le plateau réuni par en possède à revendre. Barbon arthritique, toutefois animé d'une volonté de vivre et de plaire, le Don Pasquale de assume le ridicule du personnage avec une certaine noblesse appuyée par sa belle basse. Amoureux éperdu, Ernesto, interprété par le lumineux ténor , est ici un peintre centré sur un sujet monomaniaque, réalisant d'innombrables portraits de son égérie Norina.

Opportunément artiste intermittente du spectacle, la Norina rouée, mutine, voire diabolique, d' se révèle une comédienne redoutable en Sofronia libérée et impérieuse, qui s'étonne toutefois de ce qu'elle fait subir à Don Pasquale. La belle musicalité de son soprano léger et agile se joue aisément des écarts et des vocalises de Donizetti.

Le meneur de jeu est le troublant docteur Malatesta, qui invente l'ingénieux stratagème pour détourner Don Pasquale de son idée de mariage et rendre Norina à Ernesto avec la bénédiction du riche oncle floué. Il est magnifiquement interprété par , dont la voix ne cesse de s'affirmer et qui joue avec un naturel confondant. Par-delà la commedia dell'arte, son Malatesta fait penser au Don Alfonso de Cosi fan Tutte, dans lequel nous l'espérons prochainement. Par extension, sa complicité avec sa « sœur » Sofronia-Norina, évoque la Despina du même Cosi, qui conviendrait parfaitement à .

Sur un plateau à décor unique très dépouillé, fait de portiques amovibles et de niveaux différents à la façon de rubik's cubes, manipulés par un vaillant factotum, figurant également le valet et le notaire (Louis Sainrat), on reconnaît le style d' dans une mise en scène épurée, énergique et très rythmée, doublée d'une fine direction d'acteurs. Pour une meilleure compréhension, il a réécrit des dialogues en français, contemporains et d'une grande drôlerie, qui font la joie du public. Il transforme quelque peu le final par un épilogue de réconciliation totale où un an plus tard, Don Pasquale, remis de sa coûteuse déconvenue, devient un charmant grand-oncle pour l'enfant d'Ernesto et Norina.

Comme souvent dans les productions des Chants de Garonne, l'accompagnement pianistique d', qui assume avec brio et virtuosité la riche et complexe partie orchestrale, soutient l'ensemble et imprime le rythme.

Peu familiers de l'art lyrique, des collégiens présents dans la salle ont beaucoup ri et se disaient conquis et enchantés à la sortie.

Crédit photographiques : © Alain Huc de Vaubert

(Visited 646 times, 1 visits today)