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À Cologne, Adriana Bastidas-Gamboa brille en Carmen

C'est une vision « féministe » qu'avait promise pour sa nouvelle Carmen à l'Opéra de Cologne. Si la mise en scène soulève des questions, la protagoniste rallie tous les suffrages.

Non, cette fois Carmen n'est pas cigarière. Elle travaille dans un hall de marché, section boucherie. La viande de taureau est l'offre du jour, ce qui n'est pas un hasard. Dès le prélude, Carmen s'imagine en taureau blessé, une vision cauchemardesque qui se répétera à tous les entr'actes. La tauromachie, c'est une des pistes d'interprétation que nous livre dans sa mise en scène de Carmen à l'Opéra de Cologne. L'éternelle dichotomie de la femme entre sainte et putain est l'autre. Ainsi, à la taverne de Lillas Pastia, une messe parodique est célébrée – avec Carmen dans le rôle de la Sainte Vierge. Les contrebandiers sont ici des proxénètes, le troisième acte ayant lieu entre des caravanes dans un vilain coin de prostitués. Au dernier acte enfin, les pistes se brouillent avec une entrée des picadors mélangeant procession religieuse et défilé de carnaval. Le taureau, en tout cas, est déjà mort.

Si ce concept manque de lisibilité à plus d'un moment, la direction d'acteurs est réglée au millimètre. Ne citons ici que le duo final époustouflant sous tous les aspects. Don José, miteux, brisé, presque fou, tente en vain de reconquérir Carmen. Celle-ci, froide, plus hautaine que jamais, le repousse sans pitié. Sa mort est ici un suicide, Carmen ne laissant pas ce dernier triomphe à son ex-amant. C'est avec un éclat de rire qu'elle se porte le coup mortel.

Excellente actrice, séduisante même dans sa combinaison vert olive, est aussi une superbe chanteuse. Dotée d'une vraie voix de mezzo, homogène du grave charnu à l'aigu dardé, elle fait preuve d'une palette quasiment infinie de nuances et de couleurs. D'une Habanera toute en demi-teintes jusqu'aux éclats héroïques du duo final, sa Carmen ne connait aucune faiblesse. À ses côtés, incarne un Don José pas moins intense. Un peu en difficulté dans les instants plus lyriques du rôle, son beau ténor vaillant, à l'aigu facile et lumineux, fait mouche dans les deux derniers actes. Et quelle présence scénique !

Le reste de la distribution est plus en retrait. Faisant ses débuts dans le rôle de Micaëla, Ivana Rusko semble un peu crispée. Si elle chante correctement son air, l'émotion ne passe pas. Ou est-ce la faute de la mise en scène qui transforme la jeune Navarraise en vielle fille frigide ? Escamillo aussi manque de charme : voix ample, mais assez droite, poussant régulièrement ses aigus, trahit bien trop ses origines germaniques. Piquantes à souhait, les amies de Carmen n'appellent pas de critique – tout comme les « contrebandiers » aussi bien chantés que jouées. Matthias Hoffmann en revanche, est un Zuniga encore très vert et au français bien perfectible.

La direction musicale enfin laisse une impression plutôt mitigée. Poétique, nuancée, aux tempi assez lents, la lecture de accuse plusieurs baisses de tension. Sans parler de maints décalages entre scène et orchestre, imputables en partie aux conditions acoustiques difficiles au Staatenhaus de Cologne. Et pourquoi diable un chef aussi expérimenté a-t-il accepté tant de coupures dans la partition ?

Crédits photographiques : (Carmen), (Don José) ; (Le Dancaïre), (Escamillo) © Hans-Jörg Michel 

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