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La création britannique mise à l’honneur à la Cité de la Musique

Cap sur le Royaume-Uni pour ce concert de l'Intercontemporain co-produit par le festival d'Automne, mettant à l'affiche trois œuvres aussi passionnantes que singulières, dont les deux plus récentes sont en création française.

Au son viscéral, « boyau contre boyau », que le compositeur dit ne pas pouvoir supporter, la musique de oppose l'aspect combinatoire et ludique d'une écriture alerte et toujours distanciée. Regardant vers Ligeti et ses imbrications polyrythmiques, drawing tunes and fugging photos fonctionne sur de courts processus renouvelant d'autant les textures et les couleurs instrumentales; la manière est inventive et les trouvailles fulgurantes, auxquelles les solistes de l'EIC confèrent toute la vitalité et la brillance, se jouant eux-aussi des tours virtuoses de l'écriture. La pièce est à leur répertoire, co-commande de l'EIC et du Festival d'Automne 2012.

Scar (« cicatrice ») de est une pièce toute récente, créée en mai dernier par le Klangforum Wien à Cologne. Deux pianos à cour et à jardin, une guitare électrique et un accordéon et deux sets de percussions participent du dispositif au riche potentiel, mis à l'œuvre pour modeler le matériau sonore, faire fusionner les timbres et sculpter un espace en 3D comme aime le faire la compositrice. D'une saisissante beauté, la musique, qui ne va pas sans une certaine violence, procède par gestes ressassés : attaques et résonance qui s'inscrivent dans un processus d'amplification, tandis que se projettent des images sonores de plus en plus nettes et affinées. La rupture après le climax ramène un temps lisse et une matière décantée, un univers en flottement, fragile et apaisé, d'une grande force émotionnelle. La compositrice est là ce soir, à la console et en phase avec les musiciens qu'elle a accompagnés durant toutes les répétitions.

La guitare et l'accordéon reviennent sur scène pour Tanz/haus : Triptych 2017, une pièce d'envergure (45′) en trois mouvements de , qui convoque l'électronique : le compositeur nous immerge dans un univers sonore aux allures de road trip intérieur. Dillon fait défiler les images, les temporalités et les émotions au sein d'une trajectoire qui ménage les stases, les avancées et les mouvements circulaires. Ingénieuse est cette idée de traiter l'écriture instrumentale en sous-ensembles (du duo au quatuor) qui permet de diversifier les alliages de timbre et réamorcer l'intérêt de l'écoute. Un travail très fin est mené sur les allures du vibrato, cette « fragilité hésitante » que Dillon évoque dans la présentation de sa pièce et qu'il éprouve sur tous les instruments : tel ce « tremblement idiomatique » des cordes de la guitare électrique qui sous-tend le deuxième mouvement. Quand elle ne fusionne pas avec les sonorités instrumentales pour creuser l'espace, la partie électroacoustique donne à entendre des bribes d'une conférence d'Heidegger prononcée en 1952… sur les dangers de la technologie. On ne s'ennuie pas une seconde à l'écoute de ce triptyque, captivé par l'invention jaillissante du discours et la performance des solistes de l'EIC qui magnifient cette écriture solistique et très audacieuse.

Crédit photographique : © Luc Hossepied

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