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À La Chaux-de-Fonds, Vivica Genaux et Lawrence Zazzo, presque comme au disque

et , deux grands noms du chant baroque, s'allient pour présenter leur opus de musiques du XVIIIe siècle avec pour fil rouge des « Histoires genrées » où les opéras d'alors faisaient la part belle aux castrats et autres sopranistes.


Donne-t-on un concert afin de promouvoir l'enregistrement d'un disque ou le disque est-il le support mémoriel de l'artiste pour lequel on se déplace pour l'entendre ? Dans la musique de variété, le spectateur assiste au récital de son idole pour entendre sur scène les chansons qu'il a entendues au disque ou à la radio. Pour ajouter au plaisir, l'artiste alors, ne manque pas d'ajouter quelques chansons inédites ou des succès devenus incontournables. À La Chaux-de-Fonds, rien de tel. Le récital du contre-ténor et de la mezzo-soprano opte plus pour l'aspect promotionnel de leur double album sorti en juin de cette année que pour l'exposition de leur talent. C'est en effet l'exact même programme du disque (à de toutes petites exceptions près) que les deux artistes ont offert au public chaux-de-fonnier. Le spectateur aura droit au « copier-coller » du disque. Dans le même ordre où celui-ci a été édité. Même, le disque contient plus de matériel que ce qu'ont interprété les deux chanteurs. Le bis lui-même ne sera qu'une reprise d'un air déjà entendu pendant le concert.

Alors qu'on espère que les artistes iront au-delà de la perfection aseptique de l'enregistrement pour offrir ce « petit quelque chose » qui fait le charme, le sel du concert, on reste sur sa faim. Malgré un départ en fanfare des dans l'ouverture de Siroe de Hasse avec, dès les premières mesures, un rythme et une belle unité des cordes, la sauce ne prend pas. Bientôt, on ne remarque plus l'ensemble baroque noyé par la présence des deux protagonistes. Car, ils sont là. Tout devant. Chantant en alternance, un à toi à moi et à… nous deux d'œuvres dont la popularité et l'intérêt émotionnel des airs, comme des opéras dont ils sont tirés est plus que problématique. Il faut attendre la fin du neuvième air pour que de timides applaudissements viennent réchauffer l'atmosphère. Est-ce Vivaldi, sont-ce les vocalises pyrotechnique de cet air d'Orlando furioso ? Reste qu'à partir de cet instant, tous se sentent plus détendus. Sans pour autant que l'émotion, celle qui vous coupe le souffle, s'installe sur la scène.

Le choix des œuvres, ardues, connues de quelques rares spécialistes, chantées sur un ton sans grand relief, a tôt fait d'engourdir l'intérêt du public. Du chant, il est indéniable que possède un charisme débordant doublé d'une technique vocale qu'elle maîtrise admirablement. Pour étrange que soit sa projection vocale d'un vibrato donné par d'étonnantes « mentonnades », la mezzo contrôle parfaitement ses vocalises qu'elle aborde toutefois avec beaucoup de précautions. Après plus de vingt ans de scène, Vivica Genaux démontre qu'un talent certain combiné avec une carrière intelligemment menée préserve ses toujours excellentes capacités vocales. À ses côtés, si les notes suraiguës du contre-ténor se veulent à l'image vocale des castrats du XVIIIe siècle, le chanteur paraît sensiblement moins à l'aise que sa consœur. Sa voix ne coule pas. Les aigus sont nerveux, courts, cassants et manquent totalement de vibrato. À le voir s'agiter et se raidir à chacune de ses interventions, on le sent comme emprunté, paralysé.

Dirigeant tout cela, le chef s'emploie à une rigueur directive qui ne laisse que peu d'espace à l'expression artistique. Tout est bien en place, propre et soigné mais finalement bien ennuyeux. À la fin du concert, quelques grands enthousiastes malgré tout se lèvent et réservent une « standing ovation », suivis bien entendu par une partie du public ne voulant pas être en reste.

Crédit photographique : © Markus Lieberenz

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