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Musique pour clavier de Mozart brillamment défendue par Helga Váradi

Le label Claves publie une passionnante réalisation dévolue à lœuvre de Mozart, mettant face à face, tel un miroir, des prestations proposées sur un clavecin et celles données sur un piano-forte.

Après la sortie, en 2018, de l'album « Bartók & Baroque », voilà que signe son deuxième opus paru chez l'étiquette helvète. Mais qui est cette jeune artiste dont ResMusica n'a encore pas eu l'occasion de parler ? Après plusieurs années de leçons de piano à Budapest et à Szentendre, elle se consacre au clavecin à l'âge de treize ans à Szentendre. Elle doit son développement à des musiciens tels que Gustav Leonhardt, Michael Radulescu, Lars Ulrik Mortensen, Johann Sonnleitner et Christophe Rousset, ses figures phares. Ses études la mènent à travers plusieurs pays d'Europe : d'abord à Vienne, ensuite à Lyon, Bâle et Zurich. En 2014, elle remporte le prix international Gianni Bergamo pour son jeu au clavecin.

Ce disque offre une sélection de partitions de Mozart élaborées dans les années 1773-1782, soit quand le compositeur avait entre dix-sept et vingt-six ans. La lecture avec de la Sonate pour clavier à quatre mains en ré majeur K. 381/123a sur une copie du clavecin de Pascal Taskin faite par Martin Vyhnálek à Prague, accordée à 415 Hz, déborde d'énergie et de joie. Les interprètes contrôlent parfaitement le mouvement, avec toutes les suspensions et les respirations aussi naturelles que rhétoriques, et varient la palette des couleurs en actionnant – dans le mouvement central de l'œuvre – deux claviers en même temps, dont le clavier supérieur est muni d'un dispositif supplémentaire sur la corde, permettant de produire l'effet du « jeu de luth ».

combine la simplicité, la poésie et la théâtralité. Son jeu évoque une multitude d'humeurs et d'ambiances, parfois très opposées les unes aux autres, comme la désolation suivie de la gaieté dans l'exécution du Prélude en ut majeur K. 284a. Elle a ce don assez rare de décrypter et de traduire, à travers les sons et les combinaisons harmoniques, les émotions dont ces pages sont emplies.

Pour les interprétations données à la copie du piano-forte de Michael Rosenberger effectuée par Robert Brown à Oberndorf bei Salzburg, accordée cette fois-ci à 430 Hz – ce changement de diapason ne manque pas d'attirer notre attention – nous avons toujours affaire à ce jeu marqué par la vitalité comme par le raffinement agogique. À cela s'ajoutent des subtilités de nuances dynamiques méticuleusement sculptées en harmonie avec la température émotionnelle du propos de Mozart. C'est ainsi que la Sonate pour violon en ut majeur K. 303/293c et la Sonate n° 7 en ut majeur K. 309/284b se parent de plasticité des contours mélodiques et d'un éventail de teintes baignés dans la douceur et le brio des phrasés. Ce constat concerne également le violon lumineux Sebastian Klotz que joue  – dont nous avons chroniqué le disque Mozart und seine Zeitgenossen en avril dernier.

L'album se clôt sur l'exécution du Rondo en ré majeur K. 382 arrangé par les interprètes pour piano-forte avec l'accompagnement de deux violons. D'après la lettre de Leopold Mozart citée dans le livret (fouillé et bien documenté), un tel assemblage des instruments avait vraiment eu lieu ! Helga Váradi y fait merveille par une articulation riche et un toucher léger mais éloquent, faisant penser à un « ange passant dans le ciel », selon le dire de Chopin.

Avec cette approche historiquement informée, cette parution est un régal pour les aficionados de la musique de . Une expérience quasiment magique.

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