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Quintette avec piano et Huitième Quatuor de Philip Glass : classique ?

rencontre le quatuor pour Annunciation, un album consacré à la récente production chambriste du compositeur américain.

Œuvre après œuvre, rend obsolètes les intégrales successives de ses œuvres : en 2008, le Smith Quartet enregistrait l'intégrale de ses cinq quatuors à cordes ; en 2018, le Quatuor Tana récidivait avec une intégrale de sept. Bien en avait pris aux de n'avoir pas nommé intégrale leur coffret de 2011 (5 quatuors agrémentés d'un arrangement à quatre de la trop rare B.O. de Bent), puisque voici l'avènement, sous les doigts du quatuor new-yorkais, d'un huitième quatuor, dont Glass dit lui-même qu'il est « le genre de pièce qui vous amène à penser que le Neuvième est inévitable. » Souriante humilité qui ne doit pas empêcher de considérer les quinze minutes de ce Quatuor n°8 à leur juste valeur : une œuvre à la mélancolie lumineuse et apaisée, conclue par un twist joueur.

Apaisement et lumière sont également les apanages du Quintette avec piano (Annunciation) qui ouvre en beauté un disque où donne le sentiment de pouvoir exprimer son bonheur de composer en toute quiétude. La beauté mélodique et la bienveillante fluidité du premier mouvement séduisent instantanément avant que les ténèbres du second, lent et sombre, ne construisent le crescendo de leur propre lumière, jusqu'au surgissement conclusif d'un bref allegro. L'œuvre tire son titre et son inspiration d'un hymne byzantin basé sur le Psaume 131. Le disque se clôt d'ailleurs sur l'épure (2 minutes) de cette ligne mélodique énoncée ici par lui-même, telle qu'il le fit naguère en l'Église orthodoxe grecque de l'Annonciation à Lincoln (Nebraska), dans la version du chanteur athénien John Sakellarides. , dont le doigté pianistique, tout en ligne claire, est une merveille de dialogue avec les Brookylyn Rider, ici captés moins crûment qu'à l'ordinaire par une prise de son harmonieuse.

Deux suppléments de choix : Pendulum, adaptation pour piano et violon du trio joué en 2010 à Ellis Island pour les 90 ans de l'Union américaine pour les libertés civiles. Musicalité respectueuse et discrète caractérisent le piano de Paul Barnes et le violon de , dont les instruments respectifs se gorgent progressivement de lyrisme.

Quant au schubertien (en terme de teneur mélancolique) Quartet Satz, il provient d'un solo de piano, cadeau de retraite, en 2017, pour le directeur de Nonesuch Records, Robert Hurwitz qui, de 1985 et 2002, de Mishima à The Hours, fit tant pour la diffusion de la musique de Glass. Sept minutes aussitôt arrangées en quatuor, à la demande du Kronos Quartet (la version du présent disque) dans le cadre de leur projet 50 pour le Futur, puis doublées, pour les quatorze minutes de Distant Figure (Passacaglia for Solo Piano), créé, toujours la même année, par Anton Batagov.

Glass est manifestement entré dans une troisième période. Une période qui voit l'intronisation d'un style toujours aussi personnel mais aux contours moins radicaux. Un style qu'on n'hésite plus guère aujourd'hui à qualifier de classique. C'est probablement l'autre « Annonciation » de ce disque.

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