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Elsa Dreisig en récital au TCE, bis repetita placent…

Comme c'est désormais devenu une malheureuse habitude, ce récital de la jeune soprano , accompagnée du pianiste , reprend exactement le programme Duparc, Strauss et Rachmaninov de son dernier disque Morgen publié très récemment par le label Erato.

On peut le regretter mais marketing oblige… Dans ces conditions, inutile de s'attarder sur la pertinence du programme qui regroupe intelligemment les mélodies par thème, ni sur le côté sans doute plus intimiste de la version piano/voix, loin de toutes fioritures orchestrales, pas plus que sur l'intérêt accru des textes, parfaitement mis au jour dans cette version épurée. Tout cela est chose déjà dite et redite ! En revanche il convient de revenir sur cette étonnante association appariant les célébrissimes Quatre derniers Lieder de , le très méconnu et difficile Opus 38 de , composé juste avant son exil, et quelques mélodies d' parmi les dix-sept qu'il a composées. Si tout cela ne respire pas la joie de vivre, mais plutôt la « Sehnsucht », grâce soit toutefois rendue à qui a eu la riche idée de ce surprenant et audacieux rapprochement, car de toute évidence, il faut bien reconnaître que cela fonctionne plutôt bien. n'en est pas à un défi de plus. Membre de la troupe du Staatsoper de Berlin, elle mène parallèlement une carrière de soliste, enchaînant les rôles sur les plus grandes scènes lyriques.

S'il existe un indiscutable gagnant dans ce récital au Théâtre des Champs-Élysées, il s'agit sans aucun doute possible du pianiste Jonathan Warre, convaincant par la subtilité et l'à propos de son accompagnement, comme par les couleurs, la légèreté et l'élégance de son toucher. Tout cela s'exprime avec une particulière acuité dans les scintillements de l'Étude-Tableau op. 33 n° 2 de Rachmaninov, dans la pureté mélodique d'« Aux étoiles » de Duparc ou encore dans le romantisme exacerbé du Klavierstücke op. 3 n° 1 de .

, quant à elle, relève avec mérite son défi. La voix est puissante dans tous les registres, la diction impeccable quelle que soit la langue, le timbre lumineux, la ligne souple et facile, le legato subtil. Particulièrement à l'aise avec la prosodie fluide de Duparc, l'Invitation au voyage, Chanson triste, Extase et La Vie antérieure sont des moments de pure grâce. Elle est étonnamment convaincante également, vocalement et scéniquement, dans Rachmaninov (qu'il s'agisse de chant ou de déclamation) dans les Six poèmes de l'Op. 38, composés en 1916 sous l'influence de la poétesse Marietta Chaginian et de la chanteuse Nina Koshetz, toutes deux amies du compositeur. Réputés d'une grande difficulté technique du fait de l'autonomie fréquente des lignes de chant et de piano, ils constituent un véritable cycle. Nuit dans mon jardin décrit un saule pleureur dans une lente déploration, Pour Elle sait se faire de plus en plus poignant, Les Marguerites baignent dans l'insouciance, tandis que le Joueur de flûte affiche une belle complicité entre voix et piano. Le Sommeil développe une mélodie répétitive et hypnotique, alors que Vers les cimes abandonne le leadership au piano dans un enchevêtrement complexe entre piano et voix. Plus discutables, les Quatre derniers Lieder de pâtissent assurément d'un manque d'impact émotionnel et probablement d'une maturité vocale encore en devenir pour séduire complètement.

Un beau récital en vérité. Si celui de l'an dernier avait été une révélation, celui-ci nous apporte une confirmation. Espérons que le vers d'Horace reproduira une fois encore tous ses effets.

Crédit photographique : Elsa Dreisig © Simon Fowler

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