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François-Joël Thiollier électrise la valse

, pianiste rarement programmé en France, offrait au Musée Jacquemart-André, dans le cadre de la saison « Autour du piano », une brève histoire de la valse.

Grands tableaux sur les murs de brocart rouge, meubles sombres, boiseries et moulures dorées, immenses fenêtres aux lourds rideaux, le salon de musique accueille les auditeurs qui entrent et prennent place sur les légères chaises dorées, sous les volutes du très haut plafond. Le concert s'envole vite avec les premières notes des onze Valses viennoises de . Les mains du pianiste flottent sur les touches et répandent, tel l'encens, la tendresse distante de ces ritournelles légères comme des chansons, délicates et gracieuses.

déroule, avec un zeste d'ironie sérieuse, la mélodie parade des Variations sur une très belle valse viennoise de . Il joue ensuite de toute la palette des rares couleurs du Yamaha pour ciseler chacune des Seize valses opus 39 de . On passe en rêve des guinguettes dansantes d'Auguste Renoir aux bonbons viennois du bal de Sissi, puis par les tournoiements enchanteurs et fatals du Guépard et de la Goulue.

Vient ensuite la Valse caprice sur un thème de II, œuvre de Carl Tausig. Cette musique semble désosser le thème de Strauss dont la valse apparaît et disparaît, enluminée et sublimée par la diabolique espièglerie du pianiste.

La soirée se transporte à Paris avec La plus que lente de . Une danse de fin de nuit sous les regards curieux d'Apollon et des muses au plafond, cette valse ralentie et intime, temps étiré des montres molles à la Dali, pourrait avoir charmé ce salon déjà, à un des concerts organisés pour Nélie Jacquemart par joue avec une souplesse féline toujours aux aguets pour saisir au vol et relancer chaque étincelle de sens, chaque nuance d'émotion, tendresse nostalgique ou inquiétude trouble des joies fugitives et incertaines.

Arrive enfin le long feulement rauque du début de la Valse de , camouflage ironique des notes d'une rengaine viennoise. Fondu enchaîné dans le motif qui enfle et s'enroule, houle indifférente, flamme avide, et peu à peu envahit et embrase tout. Le pianiste laisse alors libre cours à la pulsation frénétique du mal dont Ravel, témoin des horreurs de la Première Guerre mondiale terminée, pressent déjà les possibles développements proches et lointains. Démiurge musical, il en déploie l'architecture explosée et implacable, déchaine et calme ces vertiges et emporte son public dans l'explosion finale.

François-Joël Thiollier offrira, en bis, comme une guérison, le Nocturne pour la main gauche de Scriabine, elliptique et doux, bienfaisant.

Crédit photographique : DR

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