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René Jacobs à Metz, l’expérience Schubert

Le remarquable B'Rock Orchestra permet à Jacobs de défendre ses idées, non sans scories, mais avec une remarquable force de conviction.

et Schubert, n'est-ce pas une étrange idée ? Le passage des baroqueux à la musique romantique, et même à la symphonie classique, est rarement facile ; son récent enregistrement de Leonore de Beethoven (Harmonia Mundi), avec ses maniérismes incessants et cette manière presque agressive de souligner le moindre détail de la partition, ne pouvait que faire naître des craintes. Les inquiétudes se révèlent heureusement très excessives dès les premières mesures de la Cinquième Symphonie qui ouvre ce copieux programme, une Troisième Symphonie de Schubert venant s'ajouter aux deux initialement prévues. Les choix de Jacobs ne sont pour autant pas vraiment surprenants, tempi plutôt rapides, rythmes énergiques, richesse chromatique. La Cinquième Symphonie y trouve ainsi une fraîcheur, un allant, une séduction mozartienne très bien venus. Mais l'Inachevée peut-elle supporter un même traitement ? Les sombres mystères et l'intensité tragique de cette œuvre singulière ne sont visiblement pas ce qui intéresse le plus Jacobs, qui choisit une interprétation beaucoup plus dramatique, théâtrale, on pourrait aller jusqu'à dire extérieure, très loin de la tradition interprétative ; à défaut d'être parfaitement convaincu par ce choix, il faut reconnaître que Jacobs le défend avec une maîtrise complète de ses conséquences musicales qui donne à l'ensemble une cohérence remarquable. Au milieu de cette soirée Schubert, le Second Concerto pour violoncelle de Haydn bénéficie grandement de la présence de , à la virtuosité simple qui sait aller à l'essentiel de la musique.

Le B'Rock Orchestra, lié à Jacobs dès sa création, est pour beaucoup dans cette réussite. Il faut certes s'accommoder, du fait des instruments anciens, de quelques moments de déséquilibre où les bois semblent disparaître dans les tutti, la flûte solo ayant souvent du mal à se faire entendre. Il n'est plus besoin aujourd'hui de légitimer l'usage d'instruments anciens pour la musique du XIXᵉ siècle – qui croit encore que le développement de la facture instrumentale est une route glorieuse vers le progrès qui rendrait caducs tous les instruments non conformes aux canons modernes ? Dans cette direction, l'orchestre B'Rock prouve que cette démarche est désormais parvenue à maturité, et si la juvénile Deuxième Symphonie qui clôt le programme convainc beaucoup moins que les deux autres, ce n'est que parce que Jacobs y retombe dans les travers qui défigurent beaucoup de ses interprétations mozartiennes, forçant le trait et privant la musique de tout son mouvement naturel. Cette faute de goût ne doit cependant pas amener à nier l'intérêt de cette incursion dans le monde romantique d'un chef qui ne se contente jamais des sentiers battus.

Crédits photographiques © Molina Visuals

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