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Cyrille Dubois et Tristan Raës rendent grâce aux sœurs Boulanger

Le Duo Constraste formé par le ténor et le pianiste , propose un disque consacré à des mélodies de Lili et surtout de . L'hommage, fait avec tact et raffinement, est une réussite exceptionnelle.

Déjà en 2015, le même duo avait proposé le cycle de mélodies de Clairières dans le ciel, dans le cadre de la monumentale édition « Les musiciens et la Grande Guerre », édité par Hortus, et remarqué dans nos colonnes. Auréolé entre-temps par le succès critique de leur disque de lieder de Liszt, le binôme Dubois-Raës revient à , mais en accordant cette fois-ci une grande part du programme à sa sœur Nadia, dont il faut redécouvrir le talent de compositrice.

Parmi ces mélodies, seules Les Heures claires forment un cycle à proprement parler, puisque et l'ont composé ensemble sur des textes du seul poète Emile Verhaeren. Les Quatre chants de n'ont pas de vraie unité, puisqu'ils concernent trois poètes différents, mis en musique sur six années par une jeune fille âgée de 11 à 17 ans. Leur intérêt n'en est pas moins grand, et on comprend l'admiration de Nadia pour une cadette aussi douée. Quant aux autres mélodies de Nadia, présentées en première moitié, elles ont été écrites de 1905 à 1922 et n'ont pas de réelle unité conceptuelle. C'est pourtant la partie la plus passionnante de ce récital, car les climats poétiques qui y sont proposés sont d'une variété et d'une finesse remarquables.

Dubois et Raës rendent à chaque joyau son plus bel éclat, en choisissant à chaque fois le meilleur éclairage pouvant le valoriser, toujours dans le même principe de respect et de discrétion. Jamais déclamatoire ou maniéré, ni jamais désincarné, joue avec délicatesse de sa palette de couleurs, de nuances et de sa parfaite élocution. Il ouvre à chaque poème, en harmonie avec un piano parfois feutré, parfois brillant, des espaces de résonance fascinants. A la piété de « Prière » résonne l'écho d'une perversion érotique subtile, à la mélancolie de « Versailles » l'angoisse immanente de la mort, à la douceur des « Roses de juin » la fébrilité d'un adolescent amoureux. Chaque mélodie est à la fois habitée, travaillée mais restituée dans l'immédiateté presque naïve de l'élan qui l'a créée.

Ce qu'on nous donne à entendre là est une leçon de chant et de complicité musicale. Au-delà de l'accomplissement artistique admirable, c'est encore une vraie contribution à une meilleure connaissance de l'univers de la mélodie française du XXᵉ siècle. Si le veut, comme il l'explique dans le livret de présentation, contribuer à valoriser les grandes compositrices de notre répertoire, osons leur glisser à l'oreille, avec nos remerciements, les noms de Marie Jaëll et d'Augusta Holmès, en espérant qu'ils pourront leur rendre justice à leur tour.

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