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Les concertos pour violon de Chostakovitch à vif par Ivan Pochekin

Les deux concertos pour violon de par une équipe entièrement russe, cela devrait être banal, c'est pourtant – sauf oubli – une première ! Et cela fait une belle différence. 

Le violoniste  et le chef ont plusieurs points en commun : tous deux trentenaires nés dans ce qui était encore l'URSS pour quelques années, ils sont formés à Moscou et leur carrière reste encore principalement centrée sur la Russie. Cela n'a pas que des inconvénients, car ils signent ensemble des versions idoines des deux concertos de Chostakovitch, qui constituent une excellente surprise.

Dans ce répertoire, en particulier le Concerto n° 1 qui est un cri dans les années de terreur stalinienne, avouons avoir un faible atavique pour les interprètes russes, David Oïstrakh, Leonid Kogan pour les grands historiques, Lydia Mordkovitch pour leur descendance directe, Alina Ibragimova pour la jeune génération. Si cette musique touche de manière universelle, elle exprime une blessure intime que les Russes paraissent les mieux à même de raconter, sans doute parce que c'est leur histoire.

Dès les premières mesures on perçoit qu' a compris cette musique au plus profond, et rien durant les 70 minutes de cet album ne viendra contrer cette impression initiale. Ce qu'on entend tout de suite, c'est la vibration, celle de la fragilité. Si les enregistrements de Kogan et Mordkovitch peuvent être préférés à ceux du roi Oïstrakh, c'est qu'ils ont une fragilité plus extravertie, qu'un musicien souverain se doit de cacher. Pochekin, lui, ose la fêlure, il sait qu'il ne faut pas impressionner par la netteté du trait, mais par ce tremblement de l'émotion qui vous submerge, de la plaie à vif qui brûle. Et c'est d'ailleurs à bon escient que dans le Concerto n° 2, plus austère et maître de lui-même, aussi sombre mais moins tragique, les traits du violoniste sont plus fermes et acérés, en retenant juste ce qu'il faut de sensibilité pour éviter une sensation de froideur.

L' et sont en osmose avec le violoniste, faisant preuve de la gravité, de la noirceur, de tout le caractère grinçant requis. Là où l'ogre médiatique Gergiev et son orchestre du Mariinski aiment les démonstrations orchestrales qui ne sont pas toujours d'une grande subtilité, et pendant que le Philharmonique de Saint-Pétersbourg est en quasi-hibernation sous le mandat de Yuri Temirkanov (entamé en 1988, l'URSS existait encore), les musiciens du National de Russie apportent la démonstration, dans la mythique Grande Salle du Conservatoire de Moscou, que l'école russe est encore bien vivante. Après tant d'années difficiles depuis la chute de l'Union Soviétique, on s'en réjouit !

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