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Les archives du violoncelliste Paul Tortelier à la radio de Berlin

On croyait connaître l'essentiel de l'œuvre discographique de au travers du coffret paru chez EMI. La présente édition, issue des archives de la radio allemande, complète efficacement la somme déjà importante d'enregistrements laissés par le maître.

L'éditeur Audite nous prévient : les gravures de studio proposées dans cet album de trois disques ont été éditées à partir des bandes radio originales de la RIAS de Berlin de 1949 à 1964, ce qui laisse présager d'une grande qualité sonore. Effectivement, et malgré une captation monophonique, le grain de l'archet est présent, intact, en bon équilibre avec le piano.

(1914-1990) est l'un des plus importants représentants de l'école française de violoncelle au XXe siècle. Après un brillant début de carrière auprès des plus grands chefs dont Arturo Toscanini ou Bruno Walter, il se lie d'amitié avec Pablo Casals et participe au Festival de Prades dès 1950. Par la suite, il devient professeur au conservatoire de Paris. En parallèle, il mène une carrière de concertiste dans de nombreux pays dont le Royaume-Uni et l'Allemagne. C'est de cette période allemande que sont tirés les présents documents. a toujours défendu un large répertoire, depuis les œuvres fondamentales de son instrument jusqu'aux pièces les plus méconnues. Il fut également un fervent adepte des transcriptions. Tout ceci se retrouve ici. En tête, Brahms, Beethoven, Fauré montrent les convictions très viriles de son approche. Le timbre est puissant, souvent tragique par un chant intérieur exacerbé d'un bout à l'autre. L'engagement est très fort, jusqu'aux limites du son et de la justesse.

Grand humaniste, partant en guerre contre les injustices de ce monde, Paul Tortelier a longtemps milité pour ces causes, son jeu parfois éperdu et héroïque en étant souvent le reflet. De plus, il avait inventé une pique oblique, pour relever presque à l'horizontale le violoncelle, qui donnait d'avantage de son à l'instrument, rappelant la position du violon. Cette découverte lui vint de son jeune fils qui lui demanda un jour de l'aider à accorder son violon et, le tenant verticalement entre ses jambes, lui fit remarquer que l'instrument ne sonnait plus pareil, de part sa position. De nombreux virtuoses adoptèrent cette pique, dont Rostropovitch qui en tomba immédiatement amoureux.

Aux côtés des grandes sonates présentées dans une vision romantique et souvent échevelée, d'autres œuvres attirent l'attention : Les Variations de sur un thème de Rossini sont le prétexte idéal pour l'expression même de la virtuosité au violoncelle. Paul Tortelier y mêle une bonne dose d'humour, ce qui vivifie l'interprétation. La Sonate pour cello solo du hongrois sied parfaitement à l'art de Paul Tortelier : une partition ardue, épineuse, où le violoncelle est mis à rude épreuve. Le compositeur demande un accord plus grave de l'instrument sur la tonalité de si, ainsi que des imitations requises de percussions ou d'instruments à cordes pincées. Devant jouer un jour cette sonate en concert, Paul Tortelier la répéta jusqu'à la dernière minute, se mettant même en retard pour le début de la représentation. L'italien , disciple de a composé pour le violoncelle, dont cette Sonate n° 2 que l'artiste curieux nous révèle ici dans toute sa fraîcheur. Jamais départi de son humour légendaire, Paul Tortelier joue encore trois petites pièces de sa composition, ingénues et pétillantes.

Plus anciennes que ses enregistrements plus officiels des années 70 pour EMI, ces gravures primitives sont le reflet de l'art d'un jeune et pétulant virtuose. Elles enrichissent le patrimoine discographique lié à cet artiste, dont le jeu évolua beaucoup tout au long de sa carrière.

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