- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Au-delà de la virtuosité : le magnifique récital Moszkowski d’Etsuko Hirose

Formée auprès de et , à la fois à l'École normale de musique de Paris et au Conservatoire de Paris, a montré dans ses précédents enregistrements que son jeu allait bien au delà d'une vaine virtuosité, ce dont témoigne cet enregistrement consacré à Moszkowski.

On ne résiste pas à écouter en premier les Etincelles (op. 36 n° 6), en gardant une oreille sur Horowitz (une dizaine de versions gravées entre 1951 et 1986). Une entrée en matière plus que convaincante ! En effet, semble s'amuser, « danser » sur ces Étincelles avec une décontraction qui force l'admiration.

Reprenons au début de l'album. La première impression est celle du piano, un superbe Carl Bechstein D-282, idéal pour ce répertoire. Idéal, parce que cet instrument coloré possède un grain unique, une vraie personnalité chaleureuse. Il sert parfaitement ce programme qui alterne valses et études, entrecoupées d'arrangements d'Offenbach, Wagner et Bizet.

Dans ces pièces, la fluidité du toucher et l'extrême précision des traits sont essentiels. Cela acquis, entre avec naturel dans le balancement rythmique, les respirations infimes, les accents perlés et souvent humoristiques des partitions. Elle sait créer le désir de l'harmonie à résoudre, de la phrase à venir. Peu d'interprètes jouent avec cette savoureuse délicatesse. Il suffit de mettre en miroir quelques-unes de ses lectures avec celles de (Capriccio espagnol), Ossip Gabrilowitch (En automne), (La Jongleuse)… Le charme agit dans la cinquième des Liebeswalzer pour laquelle Etsuko Hirose maîtrise l'art combiné de la suggestion et de l'affirmation. Elle le fait sans aucune brusquerie et avec un emploi millimétré de la pédale. Juste ce qu'il faut pour donner le frisson à l'auditeur parce que la phrase est en équilibre instable. Elle enchante jusque dans la Polonaise si étrangère aux révoltes de Chopin. Elle sait rendre volatile un rythme pesant, une écriture surchargée. Cela n'est pas donné au premier virtuose venu !

Les trois arrangements d'opéras sont au même niveau. L'amplitude de jeu et le travail sur le phrasé dans la Barcarole des Contes d'Hoffmann, comme murmurée – la longueur de son du Bechstein est remarquable – maintiennent l'attention de bout en bout. La Mort d'Isolde de Moszkowski est, hélas, bien moins jouée que celle de Liszt. Etsuko Hirose en apprivoise l'écriture fluide. Elle privilégie peu les déflagrations aux accords, comme chez Liszt, mais au contraire favorise les arpèges qui évoquent la brillance des cordes. On peut préférer cette transcription si orchestralement intuitive à celle de Liszt, génialement pianistique. La Chanson bohème de Carmen est dans le style de la paraphrase, faisant songer à la diablerie d'Horowitz dans ses propres Variations sur un thème de Carmen. La virtuosité débridée et, avouons-le, un peu creuse de la pièce de Moszkowski, est assumée par Etsuko Hirose. Et avec quel panache !

(Visited 726 times, 1 visits today)