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Ottavio Dantone révèle les beautés du clavecin de Benedetto Marcello

Oubliant un instant la direction d'orchestre, se consacre à la redécouverte de la musique pour clavier de Benedetto Marcello. Il livre ici un premier volume de sonates pour clavecin, et donne à ces pièces un équilibre charmant entre brillance et intimité.

On sait peu de choses, somme toute, de . Contemporain et rival de Vivaldi, de Gabrielli et Corelli, il n'a laissé qu'un opéra, mais nombre d'œuvres vocales et de sonates. L'éparpillement de ses pièces dans les bibliothèques d'Europe témoigne de sa réputation d'alors, et Jean Sébastien Bach lui-même n'a pas dédaigné de s'en inspirer. Issu d'une grande famille patricienne aisée, engagé dans la vie politique de la Cité de Venise, il n'écrivait sans doute que pour le plaisir. Pas de pédagogie pour des élèves, pas de théorie sur la musique, pas de complaisance pour un public qui paye, rien que le plaisir d'écrire pour soi-même ou pour ses amis. Ceci se ressent dans ces délicieuses sonates, du moins dans la version que Dantone nous donne maintenant. Bien connu des amateurs de baroque pour sa participation à la « Vivaldi renaissance » et l'exhumation des opéras de Pergolèse, revient à ses instruments d'élection que sont l'orgue et, ici ,le clavecin, et se lance dans une intégrale des œuvres pour clavier que l'on peut trouver dans les bibliothèques de Venise. Voici d'abord les sonates pour clavecin de la bibliothèque Marciana, en attendant les menuets, autres sonates, cantates et pièces pour orgue toujours en cours d'inventaire.

La structure de ces sonates est plutôt traditionnelle (3 voire 4 parties où dominent les morceaux vifs) avec très peu d'influence des suites à la française. Les thèmes sont simples et variés, le contrepoint est riche et sans lourdeur, très légèrement ornementé. L'écriture n'est pas révolutionnaire, mais ne manque ni de vivacité, ni d'invention (étourdissante Chaconne…). Marcello ne cherche pas le brillant superficiel : il nous donne avant toute chose une joie calme, un bonheur simple et discret, extrêmement agréable et vivifiant. Dantone a bien compris l'esprit libre et affable du compositeur. Il trouve les tempi, les respirations et les contrastes propres à valoriser cette part d'intériorité, et s'octroie à juste titre le plaisir de quelques cadences ou variations. Virtuose au besoin mais jamais creux, il fait tomber l'éventuel reproche de galanterie qu'on pourrait faire à Marcello, et donne à ses sonates un léger parfum de mystère et de poésie. Le charme de l'instrument (une très belle copie d'un clavecin Ruckers de 1638) avec une sonorité bien équilibrée, ni trop feutrée ni trop éclatante, contribue à créer une ambiance de cabinet d'honnête homme du XVIIIe siècle, ouvert d'esprit et concentré dans sa réflexion, et non pas celle d'une galerie où s'éventent de distraites beautés qu'on voudrait épater.

La modestie savante de Dantone rejoint ainsi celle de Marcello, et aboutit à une très belle réalisation. Espérons que les volumes suivants seront au même niveau de cohérence et de séduction, et contribueront à redonner à Marcello la place qui lui revient parmi les compositeurs vénitiens de son temps.

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