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Zelmira, une rareté rossinienne

Depuis plus de trente ans, la petite ville d'eaux de Wilbad en Forêt Noire accueille un festival dédié principalement aux œuvres de et ses contemporains avec la particularité d'y monter les opéras parmi les moins connus de ces compositeurs. Zelmira fait partie de ces relatives raretés jamais programmées dans les maisons d'opéra traditionnelles, même si quelques réminiscences de cette œuvre ont refait surface récemment.

Pourtant, ce dernier des neuf opéras du maître de Pesaro, composé pour le Teatro San Carlo de Naples, a reçut un immense succès à sa création. Sauf peut-être pour Stendhal qui, dans cette intrigue alambiquée et absente d'épisode amoureux, ne se gêna pas pour affirmer que « jamais histoire plus stupide et tyran plus imbécile n'étaient montés sur une scène ». L'écrivain n'était peut-être pas préparé à cet opéra qui, lorsqu'on ne connaît pas les faits précédant l'intrigue, peine à éclairer le chaland sur les tenants et les aboutissants de ce drame. Les dialogues s'avèrent en effet d'une monotonie éprouvante, le librettiste s'étant borné à traduire mot à mot du français à l'italien la tragédie originale sans vraiment brosser les enjeux que Dormont de Belloy avait portés dans son théâtre. Évidemment, avec la rapidité avec laquelle Rossini composait, on imagine bien sa difficulté d'obtenir de ses librettistes une productivité aussi extraordinaire que la sienne. Occultés ces inconvénients littéraires, Rossini signe des arrangements musicaux inventifs qui donnent à l'auditeur de quoi le réjouir. Il n'y a guère de surprises. Sauf que les orchestrations de Zelmira s'avèrent hautement sophistiquées.

Voici quelques années, cette rareté ne se trouvait qu'en disque vinyle enregistré lors d'un « revival » au San Carlo de Naples. En avril 1965, c'est la soprano Virginia Zeani qui tenait avec brio le rôle-titre. La version d'alors n'avait pas bénéficié des travaux musicologiques actuels. Malgré les qualités vocales et orchestrales de cette version, les reprises plus récentes révèlent des pages musicales jusqu'ici coupées, perdues, puis retrouvées. C'est ainsi que cet enregistrement, comme celui, un peu terne, édité par Opera Rara et aujourd'hui épuisé, nous offre une version en trois actes de quarante minutes plus longue que celle, en deux actes, de 1965.

D'une manière générale, cette production ne se préoccupe pas beaucoup des aspects dramatiques du livret, la plupart des chanteurs se contentant de chanter, plutôt que d'interpréter leurs rôles. Ainsi, presque tout l'opéra est chanté rapidement en faisant souvent fi des nuances malgré l'accompagnement solide de l'orchestre des bien dirigé par . Des excès sonores mettant en cause un s'en donnant un peu trop à cœur joie au détriment du soin à la diction. On relèvera toutefois qu'une prise de son quelque peu défaillante ne favorise pas l'écoute fine des orchestrations qui font l'intérêt majeur de cette œuvre. Dommage ! Restent les solistes.

Naples, berceau disparu des castrats, comptait un grand nombre de ténors dont a profité lors de son séjour dans la capitale parthénopéenne. A l'instar d'Otello créé dans cette même ville, Zelmira voit s'affronter trois ténors qui, ici, sortent de la confrontation avec des résultats contrastés. Ainsi, le ténor américain Joshua Stewart (Antenore) démontre rapidement ses limites avec des aigus serrés alors qu'il domine aisément les registres médium et graves. (Eacide) s'avère bon rossinien en dépit d'une très courte intervention. Quant au ténor (Ilo), il s'inscrit dans la tradition des chanteurs rossiniens aux aigus percutants, quoique ne réussissant guère à cacher quelques notes nasales, et parfois une certaine nervosité d'émission. Il n'est pas sans rappeler par son aisance et sa générosité le brillantissime William Matteuzzi.
La basse Federico Sacchi (Polidoro) possède une belle vocalité qu'il offre avec dignité, alors que Luca Dall'Amico (Leucippo) impressionne par sa voix profonde.
Chez les dames, la mezzo-soprano (Emma) se projette avec une énergie qu'on sent scéniquement débordante, mais qui peine à passer l'épreuve de l'enregistrement tant la voix apparaît forcée et parfois flottante. A ses côtés la soprano (Zelmira) s'avère la plus à même d'assumer les agilités rossiniennes. Comme dans presque tous les opéras de Rossini, l'air final est le feu d'artifice vocal que tout le monde attend. Zelmira ne fait pas exception. Et même, si cet opéra a connu une grande éclipse depuis sa création, jusqu'à la moitié du siècle dernier, avec une renaissance appréciée ces dernières années, le rondo final « Riedi al soglio » fait partie des œuvres emblématiques de tout récital de soprano rossinienne qui se respecte. Dans cet exercice, la soprano italienne, dotée d'une étendue vocale peu commune, surprend agréablement, quand bien même elle n'a pas les qualités techniques de vocalises d'une Cecilia Bartoli, d'une Cecilia Gasdia, voir de Mariella Devia dont Zelmira était un de ces chevaux de batailles.

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