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Le San Francisco Symphony joue Michael Tilson Thomas

Chef d'orchestre reconnu, mais également pianiste et compositeur, célèbre son 25ᵉ anniversaire à la tête du en enregistrant deux de ses compositions : From the Diary of Anne Frank et Meditations on Rilke. Deux œuvres, composées à 30 ans d'intervalle, l'alpha et l'oméga de son court catalogue de compositeur.

S'inspirant du Kaddish (poème de vie), From the Diary of Anne Frank est un mélodrame symphonique pour orchestre et narrateur, écrit en 1990 à l'intention d'Audrey Hepburn, alors ambassadrice de l'UNICEF, à partir du Journal d'Anne Frank, dont MTT déroule la dramaturgie en quatre parties, tour à tour joyeuse, optimiste, dramatique et paradoxalement pleine d'espérance… Une partition particulièrement intéressante par son polymorphisme musical se jouant de la tonalité, comme par sa prosodie superbement déclamée par  ; séduisante également par sa beauté mélodique, par sa variété rythmique, par ses clins d'œil rappelant Copland, Bernstein, Stravinsky ou la seconde école de Vienne, par ses couleurs multiples oscillant entre joie, attente et drame, par la richesse enfin de son orchestration comprenant un gros contingent de percussions sur lequel s'appuie un important travail de timbres. La première partie, tonale, d'une insouciante fraîcheur, déploie une belle mélodie (thème d'Anne) un peu mélancolique et mystérieuse reposant sur une orchestration brillante (cordes, vents, percussions) ; la seconde dodécaphonique, tumultueuse traduit l'inquiétude, la menace et le drame par ses sonorités sombres, ses stridences agoniques de bois, ses percussions lugubres et son solo élégiaque de trombone au comble de la déploration, avant une troisième partie où la joie renaît pour chanter le printemps comme un dernier cri d'espoir précédant l'épilogue angoissé de la quatrième partie.

Meditations on Rilke est la dernière composition de MTT, datant de 2019, écrite à partir d'une sélection de poèmes de . Un cycle de lieder pour orchestre, mezzo-soprano et baryton basse qui n'est pas sans rappeler le Chant de la terre de Gustav Mahler. MTT y utilise avec brio toutes les ressources orchestrales dans une orchestration raffinée, à l'instar du compositeur, afin d'exalter les voix de et de . Herbst ouvre ce florilège de chansons sur les accents jazzy du piano solo comme une pensée pour le grand-père du compositeur qui joua un temps dans les bars, avant que la voix de ne prenne le relais, entre chant et déclamation. On apprécie d'emblée la chaleur du timbre du baryton-basse autant que son émouvante fragilité dans les aigus filés. Vient ensuite le tour de d'entrer en lice dans Ich lebe mein Leben… On note ici l'élégance de la ligne de chant, sans aucun vibrato, la rondeur du timbre, l'ampleur de l'ambitus soutenus par une orchestration dominée par les vents. Das Lied des Trinkers se décline comme un hommage appuyé à Gustav Mahler par le foisonnement de ses timbres (cor anglais, petite harmonie, harpe, percussions) comme par le chant très expressif de . Introduit par un solo de violoncelle très lyrique Immer wieder développe une belle mélodie évoquant les grands espaces américains où la voix de dialogue avec la cantilène du cor sur des contrechants de harpe du plus bel effet. Imaginäer lebenslauf fait intervenir les deux solistes dans un duo d'une grande virtuosité vocale alternant legato et onomatopées sur un phrasé orchestral acéré et tendu rythmiquement. Herbst referme ces magnifiques méditations sur un solo de flûte très poétique, mélancolique et presque douloureux, où la voix chaude du baryton s'entrelace avec le tutti et les contrechants de vents.

Voilà un album qui nous fait découvrir un autre visage de MTT, celui d'un compositeur sachant manier avec virtuosité voix et orchestre. À écouter absolument !

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