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Les violes au sommet de l’émotion baroque autour de Philippe Pierlot

Intitulé Monsieur de et ses filles, cet enregistrement nous fait partager le monde intime des concerts de ruelle où les violes, jouées « en particulier », nous invitent à une méditation sur la brièveté de la vie.

Les incertitudes biographiques concernant le mystérieux Monsieur de ont donné lieu à bien des suppositions. Les plus connues du grand public sont celles véhiculées par le film Tous les matins du monde, qui en fit un janséniste veuf, fidèle au portrait inventé par le romancier Pascal Quignard dans son livre éponyme. On sait aujourd'hui, principalement grâce aux recherches menées par Jonathan Dunford, que la réalité historique était sans doute bien différente.

Ce qui est attesté, c'est la grande réputation dont jouissait le Sieur de dans les années 1680 : nombreux sont les témoignages de ses prestigieux élèves (au premier rang desquels figure Marais) qui voient en lui « l'Orphée de notre temps » et le comptent au rang des « génies excellens ». Jean Rousseau nous rappelle que c'est à Sainte-Colombe que nous devons l'ajout d'une septième corde dans le grave de la basse de viole, ainsi que les cordes graves filées d'argent. Au siècle suivant, Titon du Tillet rapporte dans le Parnasse français le succès des concerts que Sainte-Colombe donnait chez lui, « où deux de ses filles jouaient, l'une du dessus de viole, l'autre de la basse, et formaient avec leur père un concert à trois violes qu'on entendait avec plaisir ».

Ce répertoire à trois violes ne nous est malheureusement pas parvenu. Il est remplacé ici par des transcriptions de pièces pour clavecin de Champion de Chambonnières et par une suite à trois de . Les pièces de Sainte-Colombe qui constituent la majeure partie de cet enregistrement proviennent de son livre de Concerts à deux violes égales, rassemblant soixante-sept duos pour basses de viole.

Le violiste belge et le luthiste norvégien ont l'habitude de mettre en avant de jeunes artistes talentueux. Ici, c'est et qui font équipe avec eux. Les deux basses de viole historiques jouées dans les concerts à deux violes égales, une Thomas Allred de 1635 pour et une Barak Norman de 1713 pour , nous offrent des sonorités d'une rondeur incomparable. Particulièrement remarquable est la Chaconne qui conclut le concert Le rapporté.

Sommet d'émotion musicale, le Tombeau Les regrets, où les dissonances d'une grande puissance expressive accompagnent le chant funèbre de la déploration. Autre méditation sur la mort, Le Tombeau pour Mesdemoiselles de Visée, joué au théorbe par R. Lislevand : le compositeur y pleure la disparition de ses propres enfants et nous touche infiniment. La qualité de la pochette, présentant en couverture un détail d'un tableau de Quentin de la Tour, concourt à faire de ce disque un très bel objet, tant visuel que sonore.

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