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Sydney Fierro et Chloé Ducray en duo aux Musicales de Normandie

C'est en l'église de Villequier, nichée dans les boucles de la Seine normande, que le baryton et la harpiste nous invitent à un voyage au cœur du romantisme allemand…Un périple centré sur les Amours du poète.

Le festival « Les Musicales de Normandie » réserve chaque année son lot de surprises… Qui ne se souvient pas du ténor Cyrille Dubois ou de la mezzo-soprano Adèle Charvet qui y ont fait leurs débuts. C'est aujourd'hui le baryton et la harpiste qui nous proposent un récital au travers des œuvres de Mozart, Schubert, Wolf, Liszt ou encore Schumann, voyage tout intérieur qui nous plonge dans le tumulte sentimental d'un poète amoureux.

Un programme qui s'ouvre avec l'Abendempfindgung K. 523 de Mozart (1787) chanté avec beaucoup de douceur et de nuances par dont on apprécie d'emblée le legato et la souplesse de la ligne se mêlant dans un entrelacement intime à l'élégante fluidité de la harpe délicate de pour conter le crépuscule et la nuit, impression du soir sur un poème de Joachim Heinrich Campe, dans laquelle s'éteignent les plus belles heures de la vie. Puis, c'est tout naturellement avec Schäfers Klagelied de Schubert (1814), sur un poème de Goethe, que se poursuit l'errance dans ce rêve du berger solitaire qui contemple la maison de sa bien aimée lointaine : une évocation d'une poésie intense que le baryton retrace avec force de couleurs, oscillant entre exaltation et mélancolie, dans une ambiance typiquement schubertienne, renforcée bientôt par la joie du printemps retrouvé dans Frühlingstraum, sur un texte de Wilhelm Müller, extrait de Winterreise (1827). Contraste saisissant ensuite avec Gebet, extrait des Mörike Lieder d' (1888), fervente prière portée avec ardeur par le baryton.

Le Rossignol de Liszt (1841) sur une chanson d'Alexander Aliabiev, dans sa transcription pour harpe, apporte un intermède instrumental. Véritable poème musical, centré sur le thème éminemment romantique de la Nature consolatrice, il donne à Chloé Ducray l'occasion de faire montre de la virtuosité, de la sensibilité et de la finesse de son jeu.

Avec Dichterliebe (Les Amours du poète) de nous touchons au terme du voyage. Un cycle de seize lieder, extraits du Lyrisches Intermezzo de Heinrich Heine, composé par Robert en 1840, année de son mariage avec Clara et dédié à celle-ci. Seize miniatures, pour retracer le douloureux parcours de ces amours contrariées dont Sydney Fierro et Chloé Ducray donnent, ce soir, une lecture haute en couleurs, alternant les ambiances : toute en retenue dans le tendre Im wunderschönen Monat Mai inaugural, plus chatoyante et colorée dans Die Rose… qui dresse l'inventaire des merveilles du monde, solennelle dans Im Rhein, im heilingen Strome, avant que tout ne bascule dans la douleur du pardon exprimée dans le célèbre Ich grolle nicht avec son rythme syncopé. La deuxième partie du cycle sombre dans la désillusion de Das ist ein Flöten… et les peines d'Am leuchtenden Sommermorgen, pour s'achever dans la mort, inéluctable et peut être consolatrice, déclarée dans un pathétique Die alten, bösen Lieder, un denier lied conclusif suivi d'un long silence saluant une interprétation sincère, émouvante sans effusion outrancière ni théâtralité excessive, très intériorisée, magnifiée encore par les sonorités intimistes de la harpe. Un duo à retenir.

Crédit photographique : © Bernard Martinez

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