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La dialectique du fixe et du mobile chez Bruno Mantovani

Fidèle compagnon de route de , le chef Pascal Rophé à la tête de l' retrouve la musique du compositeur dans ce nouvel album réunissant deux pièces d'orchestre récentes.

Clin d'œil à la « Fantastique » de Berlioz, Symphonie n° 1, L'idée fixe (2015), est une commande du Festival Berlioz de La Côte Saint-André. Doit-on, à ce titre, y lire en filigrane un « programme » comme nous y incite les différents « épisodes » de cette pièce orchestrale en un seul mouvement ? déploie tous les ressorts de la dramaturgie au sein d'une écriture qui dialectise le fixe et le mobile, les temps lisse et strié (scansions régulières et obsessionnelles), l'espace confiné et éclaté. C'est le seul quatuor à cordes aux textures vibratiles qui occupe le centre de l'œuvre avant qu'il ne soit submergé par l'orchestre. Autre clin d'œil à Berlioz, l'apparition de la clarinette soliste, véritable personnage mantovanien, il est vrai. Impressionnante toujours est cette puissance libérée par les grands tutti que dynamise une percussion musclée comptant trois grosses caisses. Polyrythmies et strates sonores s'élaborent sous le geste galvanisant de Pascal Rophé à la tête de l' en grande forme.

Abstract pour orchestre avec violoncelle principal (2018) est un ballet, commande du festival Printemps des Arts de Monte-Carlo associant l'Orchestre Philharmonique et les qui créent l'œuvre dans la chorégraphie de . Comme pour Siddharta (2010), son premier ballet, Mantovani « écrit le mouvement », jouant ici du rapport dynamisant entre le soliste – magistral – et l'orchestre. Les séquences 1 et 3 (il y en a 5) sont confiées au violoncelle seul qui fait sourdre l'énergie par l'utilisation du trémolo d'archet, un mode de jeu quasi constant dans l'écriture de la pièce. Le mouvement est activé par de courts processus et des jeux rythmiques autour de polarités bien affirmées. Les mouvements 2 et 4 déploient l'écriture orchestrale, toujours acérée et virtuose, faisant la part belle aux couleurs instrumentales (clarinette, flûte, hautbois solistes) et aux arabesques-fusées chères au compositeur. On oublie le violoncelle dans le quatrième mouvement connoté jazz, qui entretient la discontinuité de la phrase et les ruptures. Dans le dernier mouvement, le plus développé, le violoncelle, tremolando toujours, s'insère dans le discours orchestral qui en répercute et spatialise les figures : oppositions de registres, énergie décuplée et tension superlative entretenue par les ponctuations généreuses de l'orchestre conduisent la pièce à son climax. La rupture abyssale provoquée par le solo du violoncelle dans la coda est d'autant plus spectaculaire! L'orchestre rutilant est conduit de main de maître par Pascal Rophé (précision du trait et équilibre des masses), accusant les reliefs d'une écriture traversée par le mouvement.

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L'idée fixe de Bruno Mantovani en création mondiale à Radio France

 

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