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L’ensemble Gilles Binchois face aux airs mesurés printaniers de Claude Le Jeune

Que la plénitude des sonorités de l' et la fluidité de la prosodie de ne trompent pas l'auditeur d'aujourd'hui : c'est une musique extrêmement complexe que nous propose ce nouvel enregistrement du recueil Le Printemps.

Des trente-trois airs mesurés sur des poèmes de Jean-Antoine de Baïf et des six chansons dont deux au moins sur des poèmes de Philippe Desportes qui composent le recueil Le Printemps, consacré au compositeur l' en a sélectionné treize, agrémentés de la Première Fantaisie écrite par le même compositeur, jouée ici par les trois instruments dans un habile dialogue. Ces musiciens ne se détournent pas face à la difficulté de l'ouvrage en cantonnant cette sélection aux airs mesurés spécialement ardus.

L'homophonie systématique et la contrainte des vers métriques sont équilibrées par une ornementation agile que les voix mènent avec un beau naturel. L'écoute est également renouvelée par la variété de l'effectif vocal, entre chaque pièce ou même au sein d'un air, ce qui fait l'essentiel de la force de cette proposition, menée sous la direction du ténor .

Alors que pour ce même répertoire, l'ensemble Doulce mémoire choisissait un instrumentarium particulièrement varié mêlant instrument à vents et instruments à cordes, l' la borne à quelques cordes : le clavecin de Catalina Vicens, le luth de Julian Behr, et la harpe de Claire Piganiol qui participent aux choix interprétatifs proposés dans ce disque.

Les autres parti-pris de cette sélection se limitent à l'alternance a capella de voix, le plus souvent de 3 à 5 voix ou de 4 à 6 voix, pour Voicy le verd et beau May, Perdre le sens devant vous, Je l'ay, je l'ay la belle fleur, et La béle gloire, le bél honeur doner. Mais aussi à la réduction de voix inférieurs à un instrument, réservant toutes les voix pour le refrain (pistes 3, 10 et 13), choix similaire à l'air de cour dont ouvre la voie au début du XVIIᵉ siècle. Enfin, l'air Mes yeux ne cesseront i' point inspire, ici, une version purement instrumentale (piste 4).

Même si l'art de la prosodie y est justement retranscrit par ces sept voix, on peut regretter que seuls ces choix énoncés ici soient mis en avant. Cette versification dite « mesurée à l'antique », rythmique très savante qui repose, comme ses modèles gréco-latins, sur les rapports entre paroles et musiques formellement constitués, est la véritable perle de cette musique et aurait mérité une réflexion plus poussée de la part de ces interprètes. Cela n'empêche pas que cette version soit de belle facture et participe, elle aussi, au rayonnement de l'œuvre de Claude Le Jeune et de la pépinière artistique que fut en son temps l'Académie de poésie et de musique.

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