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Les mondes sonores de Paul Méfano

La belle monographie Luftklang, servie par un panel d'interprètes de haut vol, offre un regard à la fois perspicace et sensible sur l'œuvre singulière de  qui vient de nous quitter.

Les huit œuvres présentées couvrent quarante ans de composition, depuis They (1974), qui ouvre le programme, à Der Geier (2013). Le disque se concentre sur des morceaux écrits pour petites formations d'un à trois instruments, complétés par des pièces électroacoustiques ou mixtes. Dans They, la voix assurée du baryton est démultipliée par une bande, chantant de concert avec onze reflets « narcissiques » d'elle-même. Son timbre rond et expressif se retrouve sur deux miniatures tirées du cycle Instantanées (2000), sur le thème des déboires amoureux : Pantoum, sur un poème malais, accompagné par les harmonies vaporeuses du piano de , et l'émouvant L'Abandonné(e), avec le bandonéon mélancolique de . Speed, porté par la trompette légère et virtuose de en solo, est emprunté au même cycle.

Parmi les pièces longues, il faut s'arrêter sur l'exécution remarquable de Tronoën (2001) pour violoncelle solo par , qui s'approprie avec aisance la multiplicité des jeux et les aspérités et accidents sonores constants de cet édifice. Der Geier, basé sur le texte en allemand de la glaçante nouvelle Le Vautour de Kafka, chanté et joué à l'alto par sur les traitements électroniques de , est une des compositions majeures du disque. La voix très théâtrale de la chanteuse, depuis le murmure guttural jusqu'au cri, plonge l'auditeur dans un climat de tension et d'effroi que les grincements de l'alto en contrepoint du chant et l'accompagnement de trames électroniques viennent renforcer. Ashem (2000) est une pièce électroacoustique. Dans un temps étiré, la voix du cantor de synagogue Adolphe Attia réapparaît régulièrement, constamment transformée, intégrée aux traitements sonores, comme une réflexion sur la notion de rituel et de sacré. La pièce électronique Luftklang (2002), qui donne son nom au disque, repose sur la voix d'une petite fille, Lucie Méfano, dont elle suit les rires, les cris et les inflexions avec délicatesse et légèreté.

Ce programme bien construit, parfaitement porté par des interprètes au jeu naturel, où tout semble couler de source, permet de mesurer l'amour de pour le son, déployé aussi bien dans son écriture instrumentale soignée que dans sa maîtrise des outils électroacoustiques. Au fil des pièces, ce disque met également en lumière son intérêt pour la littérature et la poésie, dans une symbiose toujours réussie avec la musique, ainsi que son indéniable veine lyrique.

 

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