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Entre lumière et ténèbres, le Concert idéal de Marianne Piketty

L'Heure bleue est le nouveau projet du Concert idéal emmené par , un cheminement poétique dans le temps et l'espace ponctué par des moments de prière, ceux de la poétesse dont les visions ont inspiré à qui l'ensemble de cordes a passé commande.

Les chants de la Sainte ont été « projetés » pour orchestre à cordes, comme il est indiqué dans la pochette du CD, par Olivier Fourés qui assure par ailleurs la direction artistique de cet enregistrement. Il s'agit en effet de donner un espace musical aux prières de la Sainte en jouant sur les différents registres des cordes, les techniques de bourdons et les strates polyphoniques élaborées sur les notes modales structurelles : avec économie et finesse toutefois, le violon principal assurant en solo la ligne de chant. Par trois fois au sein de l'album, les psaumes d' ramènent sérénité et temps de la contemplation, ferveur et pureté modale, que le violon de restitue en soignant l'articulation de la phrase, dans ce rythme libre qui épouse les accents de la langue latine ici sous-entendue.

Une vision d'Hildegarde « est portée de bout en bout par un des plus beaux chants de la poétesse et musicienne, O Vis Aeternitatis », nous dit . Il est confié au violon de , qui gagne progressivement les aigus vers ces sonorités détimbrées et impalpables que peuvent produire les harmoniques aiguës des cordes. Consonances modales et balancements harmoniques constituent l'écrin de ce chant suave donnant lieu à plusieurs variations ornementales. Il laisse apprécier les qualités d'un violon solo aussi sensuel que lumineux, au sein d'un ensemble d'une grande délicatesse.

Deux pièces pour octuor à cordes op. 11 de est une œuvre de jeunesse, une suite inachevée introduisant d'emblée la dimension dramatique. Le Prélude tout en sinuosités fait la part belle au violon solo tandis que l'ensemble, mû par une belle synergie, se lance dans le Scherzo acéré et anguleux, avec une clarté polyphonique et une homogénéité de timbre souveraines. Plus abouti et d'une profondeur qui évite tout pathos, le Concerto funèbre pour violon et orchestre à cordes (1939) de l'Allemand retient davantage notre attention : dans le bel Adagio notamment, sorte de thrène où le violon solo, éloquent et à fleur de sensibilité, s'aventure dans les registres tendus de l'instrument. L'écriture aussi économe que risquée dans l'Allegro motorique qui suit, dit l'urgence et la violence de la révolte. La cadence du soliste est magistrale. Le Choral final au lyrisme éperdu est également prière, rejoignant par sa ferveur et sa pureté de ligne les chants d'. Équilibre des forces et retenue dans le jeu des interprètes donnent le ton juste de cette pièce funèbre d'un compositeur luttant contre le nazisme, qui a choisi de vivre l'exil intérieur.

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