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Fabien Gabel et le « National » souverains entre étoiles et tempête

Dans un programme qui vaut par la rareté des œuvres proposées, Aux étoiles d' et La Tempête de Tchaïkovski, l' conduit par remplaçant Neeme Järvi, se montre à son meilleur. Le Concerto pour violon du même Tchaïkovski, sous l'archet du jeune violoniste , complète cette belle affiche.

Aux étoiles, ouvre le concert sur ce seul vestige d'une Roussalka, drame lyrique que Duparc n'acheva jamais : splendide rêverie au charme un peu suranné, en forme de nocturne, porté par le lyrisme des cordes, la rondeur des bois et la profondeur des cors.

Lui succède rapidement l'inévitable Concerto pour violon de Tchaïkovski, récemment enregistré par Daniel Lozakovich pour DG. L'interprétation donnée ce soir impose inévitablement la comparaison avec ses grands ainés… et notamment avec celle de Gil Shaham donnée la veille à la Philharmonie de Paris : contre toute attente, le jeune prodige de 19 ans assure crânement la confrontation. Certes le phrasé peut paraitre par instants un peu rigide, scolaire et appliqué, sans cette déconcertante aisance et ce charisme rayonnant du violoniste, mais la sonorité est magnifique, la virtuosité sans faille, parfaitement en phase avec l'accompagnement orchestral conduit avec autorité et rigueur par . La Canzonetta, chargée de nuances inouïes, séduit par sa poésie, mais plus encore par sa ferveur presque religieuse, moment rare où le temps se suspend… avant le final tzigane endiablé où jamais la virtuosité ne sacrifie la netteté du jeu dans un dialogue tiré au cordeau avec l'orchestre (petite harmonie et contrechants de cor).

Bien que très rarement donnée en concert, La Tempête de Tchaïkovski n'en demeure pas moins une de ses plus belles réussites dans le domaine de la musique à programme, à l'instar de Roméo et Juliette. Composée en 1875, elle bénéficie d'une orchestration opulente et fortement cuivrée sollicitant tout particulièrement le cor solo tenu, ce soir, par l'excellent Vincent Leonard. Elle se compose de cinq épisodes reproduisant assez fidèlement les faits marquants de la pièce de Shakespeare : la mer met en place un grand décor paisible et statique (cor solo) et un climat d'attente seulement troublé par quelques scintillements des bois (petite harmonie) ; le portrait du magicien Prospero met en branle fanfares cuivrées et percussions ; la tempête recrute le tutti dans une furie orchestrale au rythme saccadé, très narrative ; l'amour naissant entre Miranda et Fernando donne lieu à une belle page mélodique (violoncelles), lyrique et dansante teintée de solennité (cuivres) ; les portraits respectif des deux génies Ariel et Calibran sont évoqués par une séquence très contrastée où rythmes et timbres s'affrontent avant que le triomphe de l'amour et un dernier regard sur la mer étale n'apportent une conclusion sereine à cette page orchestrale superbe, véritable exercice d'orchestre et de direction mettant à contribution tous les pupitres, magnifiquement négociée par et le National.

 Crédit photographique : Fabien Gabel © Philippe Schlienger

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