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Un récital tonique par Karine Deshayes et Delphine Haidan

Depuis quinze ans, les deux amies et chantent des duos choisis à leur mesure, et nous en proposent dans ce disque un beau florilège, concentré sur le répertoire français et allemand du XIXᵉ et début XXᵉ siècles.

Il n'est pas désagréable de voir toutes ces démonstrations d'amitié : duo « Die Schwestern » posé en introduction, interview en binôme, photos en câlins. Tout cela prolonge assez bien le contexte intime, chambriste ou familial, pour lequel ces duos ont été écrits, sur un décorum bon chic bon genre de fleurs, d'oiseaux, de marines, de pastorales et de sages petites méditations.

Il faut cependant admettre que le titre de l'album, « Deux mezzos sinon rien », n'a pas de sens musical, puisque que tous ces duos ont été écrits pour deux voix bien distinctes : soprano et mezzo, sinon alto. Mais peu importe : Karine prend la clé de sol, qui ne la sollicite que dans un registre où elle est à l'aise, et Delphine prend la clé de fa, où son médium sombre et velouté convient très bien. Ce qui prime, c'est le service rendu aux œuvres, aux compositeurs et aux poètes, et là, il n'y a aucun doute, les deux copines font du très bon travail.

Les duos de l'op. 61 de Brahms nous font sourire derrière leur fausse naïveté. La prière de Gounod « D'un cœur qui t'aime » est touchante. Les trois oiseaux de Delibes sont d'un charme et d'une ironie délicieuse, etc. Jamais la monotonie ne vient gâcher le plaisir, nos trois artistes mettant dans leur interprétation une énergie contagieuse. Parfois, la réflexion ou l'introspection s'impose, car le texte l'exige, mais pas de langueur, pas de morbidité. , à force de chanter soprano, dévoile de temps en temps quelques tensions dans la voix, mais son timbre est toujours aussi séduisant, et son art de dire, de prononcer les vers fait merveille. Enfin une chanteuse qui n'a pas peur des consommes et qui roule les r sans vergogne. En allemand, c'est capital. suit fidèlement sa collègue et lui donne un reflet où le jeu des contrastes de timbre, de couleur joue à plein. Oui, c'est un duo qui fonctionne bien, qui s'est longtemps et intensément écouté, et qui a profondément étudié les textes qu'il sert. Johann Farjot au piano n'est pas qu'un accompagnateur. Son jeu agile et chantant fusionne complètement avec celui des deux chanteuses, et c'est un vrai trio de chambre que nous entendons, pour notre bonheur.

Dans un programme qui se superpose en grande partie à celui de nos deux mezzos, on reviendra à l'excellent album de et Ann Murray (deux autres grandes copines…), avec le délicat au piano (EMI 1990-1992). C'est avec beaucoup de plaisir qu'on accueillerait des deux Françaises un deuxième disque, dans les répertoires italien, russe ou tchèque, et pourquoi pas, anglais.

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