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Concertos pour violon de Chostakovitch ensorcelants avec Alina Ibragimova

Les deux Concertos pour violon et orchestre de , respectivement composés en 1947-48 et 1967, sont une étape émouvante et haletante de la création du compositeur, que l'enregistrement a su transmettre avec une diversité exceptionnelle. La violoniste russe en exacerbe les codes qu'elle embellit magistralement.

Le Concerto pour violon n° 1, pièce incontournable du compositeur, élaboré sous les attaques virulentes de Jdanov et de sa chasse au formalisme, brille de mille feux. L'œuvre créée en octobre 1955 par son dédicataire David Oïstrakh, s'impose dès le magnifique Nocturne (Moderato) faisant la part belle au violon. Mais l'exubérance du Scherzo suivant (Allegro), ici défendu avec une maîtrise confondante par Ibragimova, signe l'originalité rythmique et mélodique du compositeur. Dans la Passacaille (Andante-Cadenza), Chostakovitch exprime le tragique et l'introspection, ses sentiments les plus intimes, ses révoltes non formulables par des mots. Les cordes graves et les cors dialoguent avec intensité et virilité avant de s'effacer au profit d'une ardente cadence parfaitement rendue par la soliste russe. Le Burlesque (Allegro brio-Presto) aux accents populaires entraînants permet le retour de quelques traits du mouvement précédent.

Le Concerto n° 2 créé en octobre 1967 à Moscou, également par Oïstrakh, moins extraverti, enchaîne un Moderato sombre, un Adagio reposé et mélancolique, puis quelques belles mesures confiées aux cors et enfin un Allegro nettement plus tonique, puissant et combatif.

Le chef russe et l'Orchestre symphonique de Russie se hissent au niveau des plus grandes phalanges, tour à tour flamboyants, déchirants, réfléchis ou luxuriants, préalables primordiaux à l'expression d'une soliste avide d'espace et de liberté, sans défaillance aucune, exacerbant une écriture d'une richesse inépuisable qu'elle restitue superbement. Elle confirme la forte impression qu'elle avait faite à Paris en 2012 avec Kirill Karabits, où elle avait subjugué le public avec un contrôle du temps qui permettait de faire d'accumuler l'énergie pendant une demi-heure jusqu'à la libération du finale.

Elle trace une voie équidistante et personnelle entre les versions hallucinées, à la limite de la rupture, des interprètes historiques que furent David Oïstrakh (BBC Legends) et Leonid Kogan (Arlechino) et les options esthétiques variées défendues par Christian Tetzlaff (Ondine), Franz Peter Zimmerman (BIS), Hilary Hahn (Sony), Vadim Repin (Erato), Vladimir Spivakov (Capriccio).

et ses partenaires, grâce à leurs rythmes domptés, leurs timbres opulents ou arides, leur lyrisme puissant et contenu, leur pénétration émérite dans le monde de Chostakovitch, méritent une précieuse option pour figurer parmi les interprètes magiques de ces deux chefs-d'œuvre.

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