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Don Quichotte à Bregenz : éternels masculin et féminin

Le DVD gâte le chant du cygne de Massenet : dix ans après la crépusculaire réussite du Don Quichotte par Laurent Pelly (Naïve) à La Monnaie, C Major nous offre la version de pour Bregenz. 

L'inventivité de ce Don Quichotte a enchanté les spectateurs du Festival de Bregenz 2019. Avec , au-delà d'une lecture attentive des œuvres, il y a toujours un plus. Le librettiste de Massenet ne s'étant pas privé d'une rêverie autour du célèbre écrit de Cervantès, elle s'est à son tour autorisée à faire de même autour dudit livret. Constatant que « l'intrigue de Massenet n'est pas assez fournie pour un opéra en cinq actes », elle décide de prendre « chaque acte comme un opéra à part entière », ce qui lui permet de revenir astucieusement au mythe.

Cinq actes. Cinq temporalités. Cinq décors étonnants (se rafraîchir les idées dans la salle de bain du II est hautement recommandé). Cinq garde-robes défiant le temps qui passe.

Du Prologue, hilarant, opposant un faux spectateur (le comédien Félix Defèr) à la nécessaire (ou opportuniste ?) campagne publicitaire d'une marque de rasoir contre la masculinité toxique, à un cinquième Acte déchirant, on suit avec passion, face aux manipulations d'une Dulcinée bien incons(is)tante, les aspirations sentimentales de ce Quichotte vu en super-héros chargé de faire émerger une nouvelle race d'hommes. On trouve à l'un comme à l'une bien des circonstances atténuantes, à l'instar de la metteuse en scène qui parvient, dans le même mouvement, à offrir une mort bouleversante à son héros masculin et une rédemption poignante à son héroïne féminine.

L'incarnation de dégage une humanité profonde, séduisant Quichotte aux yeux gorgés de larmes. Malgré son galbe vocal, il manque tout de même à la Dulcinée d', l'art de diseuse que l'on aurait pu trouver chez des mezzos françaises plus idoines. Quelques menus délits phonétiques entachent la prestation du Sancho pourtant solide de , ainsi que la confrérie brigande du III. Les quatre soupirants sont quant à eux parfaitement distribués. La masse chorale s'amuse beaucoup.

A la réalisation vidéo, le nom de Félix Breisach n'est pas sans inspirer quelques craintes (Rusalka, Fidelio ou Peter Grimes). Même si cette fois, le réalisateur aura mieux géré la nécessaire diversité des plans, on lui en veut de ne pas avoir été davantage sensible à la prégnante mise en abyme du finale et de privilégier la beauté de la direction du jeune à la tête d'un Wiener Symphoniker gorgé d'émotion. Frustration que tentent de racheter les plans en apesanteur des ultimes visions de Quichotte consécutives à ce constat terrible : au bout du compte, on est toujours tout seul au monde.

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