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Décevant Schumann de Fazil Say et du Casal Quartett

Les disques de se suivent et ne se ressemblent pas. Intégrale superbe des sonates de Mozart, décevante des sonates de Beethoven… Pour son nouvel album, le pianiste et compositeur a choisi d'associer deux de ses partitions au Quintette de Schumann. Le résultat n'est guère probant. 

en tant que compositeur suit un chemin artistique personnel, loin des esthétiques du moment, ne revendiquant que sa seule liberté d'écriture. Pour autant, on se demande s'il ne reproduit pas avec talent les « mêmes » œuvres…

Les Trois Ballades furent composées à l'origine pour piano seul. À l'occasion de cet enregistrement, en propose une nouvelle version avec cordes. La fraîcheur de l'écriture se révèle par ce côté improvisé au piano, mais celui-ci s'estompe avec le poids des cordes, dans un néo-romantisme sans aspérité. Les couleurs orientales teintent ces pièces narratives – entre poésie et message écologique pour le dernier opus – pour ne pas dire filmiques. C'est joliment fait.

The Moving Mansion offre un terreau plus dense. On songe, malgré les notes à vide et les interjections entre les musiciens, à quelque Shéhérazade ravélien. L'histoire est celle de la maison de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la République de Turquie. Là encore, le lien avec la nature est puissant : la musique évoque un platane qui fut si proche des murs de la villa qu'Atatürk s'était fait construire en 1929, que celui-ci choisit de faire déplacer la maison pour ne pas gêner la croissance de l'arbre. Le langage assez jazzé – on songe à Gershwin dans le finale – ne déroute guère dans l'univers sonore de Fazil Say, qui repose à la fois sur la danse et l'imbrication d'atmosphères si proches des harmonies françaises du début du XXᵉ siècle.

L'écriture résolument concertante du Quintette pour piano de fait écho aux deux partitions de Fazil Say. L'interprétation de ce « concerto de chambre » – du moins vécu comme tel – manque singulièrement de rigueur. C'est l'impression des premières mesures dans lesquelles les cordes suivent les inspirations du piano. Que de digressions, de ralentendos, d'effets comme si la partition devait se plier à la fantaisie de l'instant ! De fait, ce va-et-vient entre relâchements et tensions, ces émotions à fleur de peau contrarient la progression lyrique de l'œuvre et sa construction même. Relâchement, à nouveau, dans In modo d'una marcia. Le mouvement est presque scandé, la main “ sur la poitrine ”, les couleurs diffuses, les silences appuyés, le piano nimbé. Nous sommes à la limite du mauvais goût. Le Scherzo molto vivace est bâti sur des gammes volubiles. Les influences de Mendelssohn et de Haydn sont perceptibles. Malheureusement, les cordes sont toujours un peu « à la traîne », leur pupitre manquant de cohésion, de densité. Les idées s'éparpillent dans la « bataille ». Le finale révèle tout autant le rôle de subordination des cordes et leur peu d'épaisseur. Curieuse et décevante lecture dans une discographie prodigieuse et qui ne laisse que peu de place aux versions inabouties.

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