- ResMusica - https://www.resmusica.com -

L’apogée du stylus phantasticus par Les Timbres dans les sonates de Buxtehude

Après un enregistrement remarqué des Concerts Royaux de François Couperin, l'ensemble nous propose une intégrale des sonates en trio de sous le label belge Flora.

Selon la définition d'Athanasius Kircher en 1650, le stylus phantasticus est « la plus libre et la moins contrainte des méthodes de composition ». Il se caractérise par une grande liberté de tempi et une virtuosité des traits, en un enchaînement de sections très contrastées donnant l'impression d'une improvisation libre. Issu de la musique italienne pour clavier de Frescobaldi et de ses contemporains, ce style a irrigué l'écriture instrumentale allemande de la deuxième moitié du XVII siècle (Biber, Schmelzer, Reincken …). C'est d'ailleurs cet héritage italien que Buxtehude revendique en publiant ses deux livres de sonates sous un titre italien (Suonate a due, violino e viola da gamba con cembalo), allant même jusqu'à italianiser son propre prénom en Dieterico. Si on pense surtout à l'orgue à l'évocation du nom de Buxtehude, il ne faut pas oublier ses fonctions d'administrateur musical des célèbres Abendmusiken et sa très riche production de cantates. Les deux livres de sept sonates chacun (1694 et 1696) comptent parmi les rares œuvres publiées du vivant du compositeur. Mais si l'influence italienne parait évidente, on retrouve également des accents français au style lullyste dans ces compositions d'une grande modernité, qui témoignent de l'ouverture des villes hanséatiques à tous les courants artistiques de l'époque.

Tout au long de ce programme aux couleurs chatoyantes, il nous semble entendre le bonheur que les interprètes ont à jouer ensemble. Le violon de et la viole de font assaut de virtuosité, et les mouvements s'enchainent en un tourbillon d'affects parfaitement maîtrisés. L'exercice de l'intégrale pourrait entrainer une certaine monotonie par rapport à des programmes plus mélangés. Mais l'alternance des sections très contrastées empêche tout ennui, et ces musiques méritent d'être mises en avant en regard de l'œuvre pour orgue du compositeur, où l'on retrouve la même succession de mouvements variés. Particulièrement emblématique de ce cycle, la Sonate op. 1 n° 6 propose l'enchainement de treize courtes sections : le Con discretione central est un véritable manifeste du stylus phantasticus, où l'on a l'impression que le violon et la viole dialoguent dans une libre improvisation d'une expressivité exacerbée. Quant à la Sonate op. 2 n° 5, elle nous offre un poignant solo de violon avant un remarquable Concitato sur une basse obstinée, suivi par un beau solo de viole, pour se terminer par des variations sur une basse chromatique. Un seul petit regret concernant la prise de son : l'accompagnement du clavecin de , irréprochable, peut parfois paraître un peu lointain.

Comme toujours, le digipack des CD du label Flora est un bel objet à l'iconographie soignée. Ici, la fantaisie du « Concert des oiseaux » de Melchior de Hondecoeter répond parfaitement à la volubilité instrumentale du grand Buxtehude.

(Visited 1 039 times, 1 visits today)