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Robin Ticciati et Louise Alder dans deux poèmes symphoniques et lieder de Richard Strauss

, actuel directeur du , nous livre une bien pâle version de deux des plus célèbres poèmes symphoniques de Don Juan, et Tod und Verklärung. Le disque est heureusement sauvé par la soprano , offrant une version plus qu'intéressante des plus rares Brentano-Lieder op. 68, dans leur version orchestrale.

Avec ces deux poèmes symphoniques composés coup sur coup en 1887-88, le jeune brosse le portrait de héros partagés entre volonté de puissance nietzschéenne et pessimisme ravageur à la Schopenhauer.

Son Don Juan, d'après Nikolaus Lenau, n'éprouve, au bout de la quête éternelle de l'idéal féminin, plus qu'un immense dégoût face à la vieillesse et à la mort qui se profilent. Au contraire, le héros anonyme de « Mort et transfiguration » après une agonie sans merci voit son existence transcendée par une soudaine dimension rédemptrice. Ces partitions composées par un maître de vingt-quatre ans à peine bénéficient d'une discographie pléthorique et très relevée depuis les cires historiques dirigées à Berlin ou Vienne par le compositeur lui-même, jusqu'aux superbes gravures récentes d'un Manfred Honeck à Pittsburgh (Reference Recordings, Clef ResMusica) ou de Sebastian Weigle à Francfort (Oehms). , directeur à pas même quarante ans du Glyndebourne festival (depuis 2014) et du présent Deutsches symphonie-orchester Berlin (déclinaison nominale du mythique orchestre de la RIAS, in illo tempore), se heurte donc à une féroce concurrence.

Après une entame convaincante, l'élan mâle et conquérant des premières mesures de Don Juan, ou le long largo introductif de Tod und Verklärung invitent vraiment à l'écoute par leur acuité et leur à-propos. Mais las ! il faut hélas vite déchanter.

Don Juan en particulier sombre très vite dans l'ennui et l'indifférence, un comble pour une partition aussi irrésistible et pétillante : déplorons-y tout d'abord des problèmes de mise en place avec la cohésion erratique des pupitres de cordes, un violon solo peu inspiré et mal à l'aise – décevant Grégory Ahss au son ténu et au vibrato envahissant – un pupitre de cors éteint (l'exorde forte à l'unisson campant à trois reprises l'affirmation du héros, ici assez timide), des cuivres pâteux… Seule la petite harmonie (et en particulier le superbe hautbois de Viola Wilmsen, peignant une délicieuse Donna Anna) tire son épingle du jeu. Mais avant tout, la faute de cet échec retentissant incombe au manque de conception du chef : pas de cohérence dramatique globale, manque de force vitale ou d'articulation claire du discours, plans sonores assez désordonnés de surcroît rendus d'autant plus confus par une prise de son multi micros assez trafiquée, gommant singulièrement la dynamique orchestrale. Bref, ce qui devrait être une leçon de direction et d'orchestre tourne au pensum poussif. Où sont passées la jubilation hymnique – doublée d'une mise en place millimétrée – d'un Rudolf Kempe, avec une Staatskappelle de Dresde des grands jours (Warner), la férocité rythmique et le sens des perspectives d'un Fritz Reiner à Chicago (RCA), ou l'énergétique chic d'un Karajan à Vienne (Decca) – outre les références plus récentes déjà mentionnées.

Mort et Transfiguration ne connaît pas pareil naufrage mais Ticciati n'y évite pas une certaine brutalité un rien vulgaire dans les phases les plus conflictuelles et un certain prosaïsme dans la péroraison hymnique. Souvenons-nous que sous d'autres baguettes (Furtwängler, Klemperer, tous deux chez Warner), il s'agit vraiment ici d'une question de vie ou de mort. Et qui n'a pas entendu dans cette œuvre le témoignage d'Artur Rodzinski – capté quelques jours avant son brutal décès – avec le Philharmonia Orchestra (Great conductors of th XXth century – IMG/EMI- ou Scribendum) n'a rien entendu.

Mais nous ne quitterons pas ce disque bredouille, car il faut mentionner la très belle performance vocale de dans le cycle des Brentano-Lieder op. 68. Conçu en 1918 avec un complexe accompagnement de piano pour Elisabeth Schumann, alors la cantatrice préférée du compositeur et Maréchale de rêve du Rosenkavalier, le cycle sera progressivement orchestré entre 1933 et 1940, mais rarement donné complètement en concert par sa dédicataire. La jeune soprano britannique est connue pour son incarnation de Sophie dans le même opéra : sa trempe volontaire et son timbre pulpeux de soprano dramatique fait mouche dans le déclamatoire An Die Nacht ( n°1) ou surtout dans le puissant Lied der Frauen (n° 6), l'une des plus nobles inspirations vocales de Strauss. Toutefois, elle manque un peu, ailleurs, de l'agilité vocale requise, par exemple dans les arabesques de Ich Wolt ein Sträusslein binden, (n° 2) et n'a pas l'éclat vif-argent d'une vraie colloratura dans Amor (n° 5) portrait d'un Cupidon enflammant ses ailes et le cœur de la bergère qui le soigne. Globalement dans la totalité du cycle, et sans doute dans les mélodies les plus aériennes, l'on peut y préférer une Diana Damrau – qui « éclate » le cycle aux quatre coins de son récital straussien « Poésie » (Erato) : la soprano allemande bénéficie aussi de l'accompagnement autrement ciselé d'une Philharmonie de Münich dirigée par un Christian Thielemann, orfèvre es matières, autrement concerné que de l'assez indifférent et superficiel . Celui-ci décidément peu inspiré, plombe quelque peu la prestation d'une indéniable qualité mais juste un peu univoque de .

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