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À l’Opéra de Paris, la Flûte de Robert Carsen en livestream

En livestream depuis Bastille, une belle distribution illumine un spectacle lisse et quelque peu routinier. On attend avec impatience le retour du public dans les salles.

On sait depuis longtemps que La Flûte enchantée n'est pas la plus grande réussite de et de son équipe. Initialement créé pour le festival de Baden-Baden en 2013, le spectacle occupe la scène de la Bastille depuis le printemps 2014.

On continue cependant à rester sous le charme de la scénographie de Michael Levine, habilement rehaussée des effets vidéo de Martin Eidenberger, sans être vraiment convaincu par les divers partis pris du metteur en scène. Ces derniers, on le sait, reviennent à gommer le manichéisme initial du livret de Schikaneder pour le remplacer par un conte initiatique, version New Age, dans lequel Sarastro et la Reine de la Nuit, couple apparemment uni à la ville, mettent en commun leurs efforts pour éprouver sur le rude sentier de la vie les deux jeunes gens appelés à se retrouver et à guider plus tard les destinées de la collectivité. Cette lecture globalement optimiste et positive de l'ouvrage ne va pas jusqu'à effacer toute référence à la violence et la mort, comme le montrent par exemple les tentatives de viol sur Pamina, plus qu'explicites, ou bien la présence sur le plateau de cercueils et d'ossements, clin d'œil à Shakespeare et à Hamlet. Quelques belles images resteront dans les mémoires, comme par exemple la scène des épreuves, particulièrement réussie. Tout cela fonctionne admirablement, sans le moindre heurt, pour terminer sur un hymne jubilatoire célébrant la force de l'amour et de la raison.

Dans un tel concept, ce sont clairement Pamina et Tamino qui sont mis en avant. et sont tous deux idéaux par leur jeunesse, leur exquise musicalité, la fraicheur de leur timbre et l'intensité de leur engagement. Des ornementations un peu hardies auront quelque peu éprouvé notre jeune ténor dans les hauteurs de la voix. De saison en saison, s'affirme comme une très grande titulaire du rôle de la Reine de la Nuit, et l'on s'émerveille devant la force de projection dont cette voix essentiellement légère est capable. , en revanche, est un Sarastro caverneux mais à la recherche de ses graves. Si l'on ne peut que se réjouir de la présence de tant de jeunes Français pour des rôles de premier plan, on pourra s'interroger sur la pertinence du choix de l'allemand original pour les dialogues parlés, épicés d'intonations comiquement francophones. Aucune critique, cependant, sur la qualité de l'allemand chanté. Échappe à ce défaut le baryton italien , très bien chantant dans son incarnation d'un Papageno vu comme un routard baba cool et débonnaire, tout à fait en adéquation avec l'ambiance New Age qui règne sur cette production. Belles prestations également des solistes des rôles dits secondaire, des trois Garçons, du chœur et de l'orchestre. Les tempi allègres du chef confortent la lecture résolument optimiste de l'ouvrage.

L'absence de public pour ce spectacle donné dans le respect des règles sanitaires apporte évidemment un élément un peu glaçant, qui prive le principe de la mise en scène d'une partie de son sens. On continuera cependant à saluer les initiatives de ce genre, qui consistent vaille que vaille à maintenir la survie du spectacle vivant, tout en s'interrogeant sur les trente minutes de vide et de silence proposé, à l'entracte, au spectateur installé devant son écran. Davantage de communication ne nuirait à personne.

Crédits photographiques : © Charles Duprat – ONP

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