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L’éloge du violoncelle par Dominique Lemaître

D'inspiration diverse, ce nouveau CD monographique de réunit cinq pièces autour du violoncelle, celui de rejoint, ou non, par un second partenaire.

Si les deux pièces solistes de l'album se situent à plus de vingt-cinq ans de distance (1992-2018), on y observe pour autant la même économie de moyens dans le matériau et une dimension verticale/harmonique de l'écriture, cette recherche dans le spectre du son que mène avec obstination dans ses compositions. Mnaïdra, du nom d'un temple maltais, est l'œuvre la plus ancienne de l'enregistrement. Hiératique et contemplative, la musique se développe autour d'une note polaire, le si, et d'un intervalle, le demi-ton (ou son renversement la septième majeure), dévoilant progressivement l'image sonore de la vision première. C'est celle de l'envol qui fonde l'écriture de Plus haut (2018), une quête fervente vers la lumière nourrie par la résonance des pizziccati que mène sur son instrument, arpentant tout le registre du violoncelle sur les degrés d'une échelle-harmonie. Fallait-il pour autant pousser la réverbération/amplification du son à un tel niveau, au point de modifier sensiblement les qualités acoustiques (grain et couleur) de l'instrument soliste ?

Côté duo, c'est à partir d'un rythme obstiné que s'élabore celui des deux violoncelles dans Orange and yellow II, une transcription de la pièce éponyme pour deux altos dont le titre est emprunté au peintre Rothko. Répétitive et incantatoire comme l'est volontiers la musique de Lemaître, l'œuvre exploite le procédé du canon-écho entre les deux violoncelles, phénomène d'ombre double joueuse et féline grossie par l'amplification généreuse qui prévaut dans tout l'album. Réunissant le violoncelle et la clarinette (Michiyo Suzuki) dans Thot (1994), Lemaître recherche les effets de textures entre les deux instruments : la clarinette s'immisce dans le spectre du violoncelle ou, inversement, le violoncelle s'inscrit sur les multiphoniques de la clarinette, élaborant une matière d'une complexion sensible et délicate.

Stances, hommage à Henri Dutilleux écrit pour le centenaire du maître disparu (2016) est la pièce la plus attachante de l'album. Dans un cheminement intérieur et rêveur, la ligne de violoncelle évolue sur la toile harmonique du piano, les deux instruments complémentaires gardant ici une certaine autonomie. Le violoncelle explore toute l'échelle de son registre, s'aventurant dans la zone fragile et détimbrée des harmoniques aigus. Seize sections enchaînées articulent cet « in memoriam » invitant l'auditeur à une écoute immersive. , qui en est le dédicataire, déploie un large nuancier de couleurs au côté du piano irradiant de .

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