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Il Trespolo tutore de Stradella, précurseur de l’opera buffa italien

Voici le sixième volume du « Stradella Project » initié en 2013 par l', qui a déjà donné lieu à l'enregistrement de quatre oratorios et d'un opéra du grand compositeur italien, la plupart inédits, pour le label Arcana.

La vie d', né en 1643 à côté de Bologne, est un véritable roman. ll commence une brillante carrière de compositeur à Rome, où sa vie dissolue le conduit à de nombreux démêlés avec la justice et l'oblige à fuir à Venise, puis à Turin. Mais plusieurs affaires de mœurs mettent à nouveau sa vie en danger, et c'est finalement à Gênes qu'il se réfugie et qu'il trouvera la mort à l'âge de 38 ans, poignardé, victime d'une ultime vengeance amoureuse.

Faut-il voir l'écho de ses aventures personnelles dans cette « comédie en musique » dont le livret de Villifranchi évoque des chassés croisés amoureux et des quiproquos dignes de la commedia dell'arte ? Le ton y est résolument plus léger que celui des drames qui ont émaillé la vie aventureuse de Stradella. Composé pour le théâtre Falcone de Gênes, il fut joué pendant le Carnaval de 1679 ; l'intrigue est qualifiée par le compositeur lui-même de « ridicule, mais belle ». On est là très proche de l'esprit de l'opera buffa du siècle suivant. Si Stradella est aujourd'hui surtout réputé pour ses oratorios, il était à l'époque bien connu comme compositeur d'opéras. Ici, il s'adapte parfaitement à la verve burlesque du livret, enchainant avec légèreté des dialogues truculents où fusent invectives et lazzi, caractéristiques du théâtre comique. Les airs sont précédés de ritournelles instrumentales tout aussi pétillantes.

a réuni pour cet opéra cinq chanteurs italiens et un contre-ténor polonais, . Deux voix dominent la distribution par leurs belles qualités : le baryton dans le rôle du tuteur Trespolo et, surtout, la soprano dans celui de la jeune Artemisia, qui nous ravit par la variété de sa palette expressive. L'ensemble instrumental est réduit, avec seulement deux violons, mais fait appel à un continuo étoffé qui fait la part belle aux cordes pincées (trois théorbe et luths, une harpe et un clavecin), ce qui donne une belle dynamique et permet une grande variété d'accompagnements. Les symphonies qui ouvrent chacun des trois actes sont empreints d'une joyeuse énergie. On reste un peu sur sa faim dans les airs de folie du troisième acte : Nino, l'amoureux éconduit chanté par le contre-ténor, paraît un peu trop sage dans des airs qui appellent une interprétation plus débridée. Son frère Ciro, chanté par la soprano , est plus convaincant. Leur scène en duo à l'acte trois est un grand moment. La scène de folie guerrière qui suit fait appel à la virtuosité du contre-ténor, suivie d'une berceuse toute en contrastes, avant que Nino ne sombre définitivement dans la folie, ses visions de l'enfer accompagnées par des accords dans le grave des archiluths.

L'alternance fluide des récitatifs et des airs à ritournelles, la belle diction des chanteurs et la variété de ton font de ces presque trois heures d'enregistrement une belle découverte.

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