- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Jadran Duncumb et Bach, une authenticité au profit du luth baroque

Le nouvel opus discographique de , est à la hauteur de l'excellente impression de son premier enregistrement solo. Sources de première main, réflexions personnelles et choix interprétatifs affirmés font la force de cette proposition tournée vers l'essentiel : le luth baroque.

Moins de trois ans après son premier album nous permettant de découvrir le luthiste mais aussi deux pièces de Johann Adolf Hasse, ce deuxième disque solo s'inscrit autour de l'œuvre transcrite pour luth de : la Suite en sol mineur BWV 995 (un arrangement de sa Suite pour violoncelle en do mineur BWV 1011), le Prélude en do mineur BWV 999, la Fugue en sol mineur BWV 1000 (provenant de la Suite pour violon BWV 1001) et enfin la Partita en do mineur BWV 997.

Quant aux dilemmes techniques et interprétatifs auxquels les interprètes de ces partitions doivent faire face, les explique par le fait que Bach méconnaissait les techniques et autres singularités de cet instrument dont la pratique personnelle lui était inconnue. Ce constat amène le jeune luthiste à faire des choix, et surtout à s'interroger sur son rôle d'interprète : est-il un élément central de la musique ou un simple vecteur puisque « tout est déjà écrit sur la page » ?

Mais au-delà de cette question fondamentale, ce positionnement peut aussi être orienté selon les découvertes musicologiques, comme ici avec les trois tablatures pour luth conservées à la Musikbibliothek der Stadt Leipzig qui concerne la Suite en sol mineur BWV 995, la Fugue en sol mineur BWV 1000 et la Partita en do mineur BWV 997. Ces tablatures sont en effet le témoignage des choix interprétatifs et des techniques adoptées par les luthistes contemporains du compositeur, considérés comme « surprenantes » par qui ne s'autoriserait pas à aller si loin par sa seule initiative. L'interprétation proposée dans ce disque se fonde ainsi sur ces manuscrits, exceptions faites de quelques changements de doigtés avoués dans la notice par le musicien.

Le parti-pris de l'artiste est également alimenté par le respect de la nature même de son instrument. Un travail de prise de son précis avec Jørn Pedersen a été mené afin de respecter la sonorité âpre du luth baroque, mais aussi en faveur des couleurs, des harmoniques, et du grain singulier de ces doubles cordes en boyaux pincées près du chevalet. Cette authenticité de bonne augure replace ainsi le luth dans les salons de son époque pour lesquels il était destiné, au lieu de l'imaginaire et des pratiques de concerts d'aujourd'hui.

Enfin, la partition baroque est ici approchée comme un texte dramatique que seul l'interprète peut apporter. Le pouvoir narratif et les qualités poétiques de phrasés de Jadran Duncumb sont indéniables. La pureté du jeu techniquement maîtrisée et les ornements délicats du musicien, matérialisent un dépouillement qui positionne l'auditeur face aux sonorités particulières de l'instrument, sans complaisance et sans complexe.

(Visited 623 times, 1 visits today)