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Du feu et des flammes à la Cité de la Musique

S'adaptant au contexte sanitaire, le « grand soir » prévu par l' s'est donné sur deux jours consécutifs. Sous la direction de , la première soirée affiche trois œuvres concertantes en création, trois commandes de l'EIC répondant à la même thématique, celle de Prométhée.


Abordant le mythe sous l'angle de l'anthropologie, dit vouloir écrire une musique « en cours de disparition », dans la sobriété et la transparence. Son titre Wohin, de résonance schubertienne, est tiré d'un passage de l'Évangile de Jean faisant référence à « l'homme qui est né de l'Esprit » et dont on ne sait « d'où il vient (woher) et où il va (wohin) » : respiration, souffle, vent, esprit sont des termes qui traversent l'imaginaire du compositeur et nourrissent l'écriture de cette pièce pour harpe et ensemble. Un tam et un gong reliés par un fil sont installés de part et d'autre de la harpiste , à portée de bras pour qu'elle puisse les mettre en résonance. Ce fil, sorte de corde exogène qu'elle fait vibrer au début de la partition, donne à entendre un son infime réverbéré discrètement par les instruments et auquel les plaques de tonnerre confèrent de la profondeur. parle « d'une sorte de toile d'araignée sonore » pour évoquer cette harpe « augmentée » dont elle tire des couleurs et des effets vibratoires superbes. Wohin est une musique de gestes d'une grande beauté, avec ses fulgurances et ses silences, ses instances bruitées et sa part de fragilité si finement transmise par les musiciens. Intrigant est ce fredon joué par les percussionnistes sur leur waterphone, un timbre lié à « une typologie sonore de boîtes à musique », précise le compositeur, qui contribue à l'émotion des dernières minutes.

Il est question du feu et du jaillissement de la flamme dans Fast Darkness II : I freeze and melt (« Obscurité rapide : je gèle et je fonds ») pour ensemble et clarinette basse de . Il s'agit du deuxième volet d'un diptyque mettant sur le devant de la scène . La compositrice dialectise les notions d'attente (longues tenues instrumentales) et d'imprévisibilité, au sein d'un discours âpre et violent (les plaques de tonnerre vibrent ici avec force) qui se laisse difficilement appréhender. Si l'esprit concertant ne prévaut pas dans la pièce, la clarinette basse de Billard donnant de la « voix de tête » impressionne dans des solos virtuoses qui retiennent toute l'attention.

On passe de l'obscurité à l' « outrenoir » (Death metal) avec Soaring Souls System de , une musique underground à écouter avec le corps. Elle est écrite pour les violoncelle et contrebasse électriques d' et qui « allument le feu » sur le plateau de la Cité de la musique, épaulés par leurs collègues et l'électronique IRCAM d' assurant la distorsion du son. Rugueux et violent lui aussi, entre pulsation sauvage et plages suspensives, le double concerto est un agrandissement du duo Soaring Souls (« Âmes en plein essor ») pour violoncelle et contrebasse : « C'est une course poursuite hallucinante », nous dit Éric-Maria Couturier, avec carrures irrégulières, polyrythmies démentes et vitesse folle. La pièce semble se couler dans la forme d'un rondo monstrueux avec son refrain pêchu et ses couplets montant en puissance. Les deux solistes ne lâchent rien, dans l'énergie de la transe et l'engagement physique total, galvanisés par la direction à haute tension de qui encourage le délire et organise le chaos. La fin cut est aussi spectaculaire que frustrante !

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